Comme tout le monde – enfin presque – Abdallah a été surpris par le soleil. La météo avait un peu parlé du retour du soleil. Il l'avait écoutée avec beaucoup d'attention. Maintenant que Abdallah a du temps mais il y avait plus fort dans la tête, non seulement il fait beaucoup de choses mais il les fait avec beaucoup d'attention. Avec moins de passion peut-être, mais bon… là n'est pas le sujet. Vous vous rendez compte, il suit même la météo. Mais hier, il avait oublié les prévisions parce que ses «certitudes» sont plus fortes. Et il est profondément convaincu que chez nous, quand la pluie s'installe, c'est qu'elle n'est pas près de partir. Est-ce que quelqu'un a vu un Algérien partir de là où il est bien installé ? Jamais, se «souvient» Abdallah. Récemment, il a lu dans un journal que le Premier ministre d'un pays d'Europe de l'Est a démissionné après l'effondrement du toit d'un supermarché. «Ici, personne ne démissionne, même si c'est le pays qui s'effondre», a-t-il balbutié, avant de se rendre compte que sa pensée est allée trop loin et qu'elle devait rester dans la pluie et le beau temps. Alors il est resté dans la pluie et le beau temps. En regardant le ciel, il s'est rendu compte que les étoiles ne sont pas là. C'est normal, Abdallah sait que les étoiles qui peuplent le ciel sont comme celles qui squattent la terre : elles sont toutes des oiseaux de nuit. C'est connu, il faut du noir pour que la lumière se remarque. Il faut aussi du noir pour qu'elle agisse. Du noir pour s'installer au sol et la chercher des yeux, sur des hauteurs et impossibles. Du noir, du noir et puis du noir ! Heureusement que ce matin, Abdallah s'est retrouvé face à une lumière resplendissante, servie par un soleil providentiel. Abdallah n'a pas trop l'âme «romantique» mais il s'est dit qu'une telle lumière après un interminable déluge mérite qu'on en profite au maximum. Mais Abdallah n'est pas rassuré, il sait que la pluie et la pénombre peuvent revenir à tout moment. Déjà qu'elles font régulièrement irruption dans notre vie à des heures indues, elles ne vont pas se laisser compter quand elles sont dans «leur saison». Abdallah n'a pas l'âme trop romantique mais il s'est dit qu'il n'y a que la mer pour rendre tous les reflets de cette insolente lumière venue agresser la tranquillité de l'hiver. Un journal sous le bras, il s'est donc rendu sur sa petite crique, s'assoit sur un petit rocher lisse et encore humide et oublie d'ouvrir le journal. Il aurait pu s'asseoir dessus pour atténuer la fraîcheur de la pierre mais il avait vraiment oublié. Il regarda longtemps la mer, puis le ciel, puis la lumière maintenant réduite par des cumulus qu'il n'a pas vu arriver. Quand il a aperçu un nuage plus menaçant que les autres, il s'est levé et a ramassé le journal pour prendre le chemin du retour. Au café, il avait ouvert le journal, et quand il a parcouru tous ses titres, il s'est encore demandé pourquoi autant de lumière inutile. Slimane Laouari