«Je suis en colère». Celui qui a dit ça, c'est Mohamed Tahmi, le ministre de la Jeunesse et des Sports en visite d'«inspection et de travail» dans la wilaya de Mila. A qui il s'adressait ? Aux autorités locales. Et qu'est-ce qui a bien pu motiver ce coup de gueule d'un ministre qui n'a pas la réputation de prendre la mouche, même quand il y a le feu à la baraque ? Ceux qui le suivent retiennent surtout de lui qu'il est incolore inodore. On se souvient de l'extrême légèreté avec laquelle il a réagi à la tragique fissure d'une tribune du stade olympique qui a coûté la vie à deux jeunes hommes qui ont payé le prix d'une criminelle négligence. Ce qui s'est passé récemment à l'occasion de la coupe d'Afrique des nations de handball organisée à Alger aurait pu également susciter l'ire de Tahmi, mais le moins qu'on puisse dire est qu'on ne l'a pas beaucoup entendu. Moins dramatique mais caractéristique aussi bien de l'état des lieux que de la désinvolture du ministre face aux choses graves, un match de cette compétition a débuté sur le plancher de la salle «flambant neuf» de Chéraga, pour se terminer… dans une autre salle ! En cause le toit-passoire qui laissait passer la pluie, particulièrement généreuse ce jour-là. Pour une infrastructure restée à l'état de projet pendant plus de vingt ans et qui n'a dû l'accélération de ses travaux qu'à l'approche de la compétition en question, elle aurait pu «assurer» mieux. Surtout que sur maquette, elle a dû être un vrai joyau, au vu de son architecture extérieure. Moins dramatique mais tout de même suffisant pour une réaction ferme. On l'attend toujours, cette réaction, mais elle ne viendra manifestement pas. Après tout, la sélection nationale a été championne d'Afrique, chose qui ne lui est pas arrivée depuis longtemps, les «amis et frères» africains ont été «unanimes» à dire que l'organisation était un modèle de réussite et les gradins de la salle Harcha étaient assez bien garnis grâce à la gratuité de l'entrée et à… l'ennui mortel qui squatte la vie des algérois. Fraîchement arrivé à la tête du ministère de la jeunesse et des sports, Tahmi ne doit pas manquer de raisons d'enrager, son «secteur» comme tous les autres n'étant pas vraiment un exemple de réussite. Sinon, ça se saurait. A Mila comme ailleurs, le sport et un peu plus «la jeunesse» sont ce que tout le monde sait : un état de décrépitude inquiétant pour le premier et un désarroi mortel pour la seconde. Il a certes été inauguré une salle omnisports qui changera les choses chez quelques jeunes sportifs, mais le retard est tel que cette «réalisation» a tout d'un cachet d'aspirine pour un cancéreux. Et qu'a trouvé donc Monsieur le ministre pour piquer sa première colère et sermonner les autorités locales ? Un jeune de la localité suffisamment débrouillard et fonceur pour déjouer la vigilance du service d'ordre et parvenir jusqu'à lui pour lui dire que tout ne baigne pas ! Manifestement courroucé par ce roublard qui a gâché la fête, il s'en est pris à tout le monde autour de lui. On ne lui a même pas dit ça après la tragédie du stade olympique, pas plus qu'après la honte de la salle de Chéraga, voilà que c'est dans cette «wilaya de l'intérieur» qui devrait jubiler rien qu'en le voyant arriver la paire de ciseaux en main, qu'un petit futé le rappelle à la réalité ! Mais on peut toujours concéder à Tahmi que la réalité, il la connaît très bien. Pas très brillante, mais ce n'est surtout pas le moment de le dire. [email protected]