Les réseaux sociaux sont un merveilleux moyen d'expression. La technolologie, quand elle est associée au génie dans l'idée, donne de belles réussites. Surtout quand ces réussites - d'entreprises - se déclinent sous la forme d'espaces de grande ampleur à l'échelle de la planète. C'est d'abord cela les réseaux sociaux, dont Facebook qui, de par sa performance fonctionnelle, donc sa popularité, est l'exemple le plus emblématique. Voilà qu'un jeune informaticien parti de rien a réussi l'extraordinaire pari de réunir le monde dans un… monde à lui tout seul. Au-delà de la performance de l'entreprise et de sa fulgurante prospérité, c'est son utilité sociale à l'échelle de l'Humanité qui impressionne. On a beau ergoter sur ses travers, sa propension au «voyeurisme», le manque de transparence de sa relation aux usagers et peut-être bien quelques arnaques imperceptibles pour le profane qui n'en mesure pas tous les risques, il y a ce qui fait sa réussite incontestable : c'est un espace de liberté comme il n'y en a sans doute jamais eu auparavant. Gratuit, facilement accessible, sans aucun engagement, c'est une providentielle fenêtre ouverte sur le monde pour des centaines de millions de femmes et d'hommes qui s'y adonnent sans modération, qui pour simplement s'exprimer, qui pour échanger, qui pour découvrir l'autre lointain, qui pour promouvoir ou se promouvoir, qui pour travailler… il n'est pas un pan de l'activité humaine qui soit resté en marge de ce fabuleux outil de communication. Mais bon, les belles choses ont aussi leurs inconvénients, même si, en termes d'équilibre avec les avantages qu'elles procurent, «y a pas photo», pour reprendre la formule tendance. Parmi ces travers, il y en a un qui est particulièrement embarrassant : en permettant l'anonymat grâce à un système d'identification formel, il devient un moyen d'abus par le biais duquel tout le monde peut dire n'importe quoi de n'importe qui sans jamais avoir à en répondre. Dans la conjoncture algérienne, il permet surtout à de ténébreux personnages d'étaler leurs «courageux» engagements politiques. A la manière de celui qui rêve d'être sur son balcon et de se voir à la tête d'une manifestation de rue où pleuvent les coups de matraque ! Mais cette expression attribuée au début des années 80 à un anthropologue connu avait au moins le mérite de la franchise. Le moins qu'on puisse dire est que ce n'est pas le cas des anonymes nouveaux. Ils parlent, ils polémiquent, ils invectivent, insultent, disent parfois de belles choses, ils sont d'autres fois géniaux, il leur arrive même de reprocher aux autres de… manquer de courage ! Des «autres» qui s'expriment à visage découvert avec leur vrai nom, leur vraie photo, leur vraie fonction et parfois leurs coordonnées ! Ils sont actuellement les champions de l'opposition, de zélés supporters du système, d'indécodables discoureurs sur tout et sur rien, d'inconditionnels soutiens de candidats, de douteux défenseurs de la veuve et de l'orphelin, d'enragés nihilistes, et parfois, miracle, de pertinents et lucides intervenants. Facebook et les autres «réseaux sociaux», c'est aussi ça. Même si l'engagement politique, ça pourrait être tout de même autre chose. Slimane Laouari