Paris accueillait samedi un mini sommet africain autour du président nigérian Goodluck Jonathan pour établir une stratégie commune contre Boko Haram, un mois après l'enlèvement de plus de 200 lycéennes et après une attaque dans la nuit contre un camp de Chinois au Cameroun, attribuée au groupe islamiste. Un Chinois a été tué et dix autres "ont probablement été kidnappés" dans la nuit de vendredi à samedi dans cette attaque contre un camp de travailleurs du secteur routier perpétrée dans l'extrême-nord du Cameroun et attribuée par la police camerounaise aux islamistes nigérians. "Les Boko Haram étaient lourdement armés. Ils sont venus avec cinq véhicules", a affirmé un responsable administratif de Waza, localité proche du site de travailleurs chinois. Cette nouvelle opération attribuée au groupe islamiste accroît encore un peu plus la pression sur le sommet de Paris au moment où la stratégie du président nigérian Goodluck Jonathan pour le combattre est de plus en plus contestée. M. Jonathan est arrivé le premier à l'Elysée peu avant midi (10H00 GMT) et il a accueilli ensuite, avec le président français François Hollande, les chefs d'Etat du Cameroun, du Niger, du Tchad et du Bénin, ainsi que des représentants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Union européenne. Boko Haram apparu en 2002 dans le nord-est défavorisé du Nigeria et s'est radicalisé à partir de 2009. Le groupe menace de plus en plus les voisins du géant anglophone d'Afrique de l'Ouest. L'enlèvement massif le 14 avril dernier de 223 lycéennes à Chibok, dans l'Etat de Borno (nord-est du Nigeria), et les vidéos terrifiantes du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, menaçant de marier de force les jeunes femmes ou d'en faire des esclaves, ont suscité un mouvement d'indignation mondiale et braqué les projecteurs sur une violence jusqu'alors peu médiatisée. Violence d'un groupe islamiste armé dont les attaques sanglantes ont fait des milliers de morts, mais aussi violence de l'armée nigériane et incurie gouvernementale, pointées du doigt par les plus proches alliés du Nigeria, Américains en tête. Contre-terrorisme au niveau régional Washington, qui a classé en novembre 2013 Boko Haram sur la liste des "organisations terroristes étrangères", et qui a mobilisé hommes et équipements pour aider à retrouver les lycéennes, a fustigé jeudi "la lenteur tragique et inacceptable" de la réponse du gouvernement nigérian face à la crise. De fait, le président Goodluck Jonathan ne s'est ému du sort des jeunes filles que plus de 15 jours après leur enlèvement. Et la veille de sa venue à Paris, s'exposant à de nouvelles critiques internationales, il a annulé une visite annoncée à Chibok. Paris, qui de son côté n'a pas formulé publiquement de critiques à l'encontre de son nouvel allié anglophone, première puissance économique du continent, va tenter avec ce sommet de coordonner la lutte au niveau régional. Les diplomates soulignent l'"excellence" des relations entre Paris et Abuja depuis l'arrivée du président François Hollande, très investi sur le continent africain. S'il n'est pas question d'une intervention militaire occidentale contre Boko Haram, répète l'Elysée, la France, qui intervient militairement au Mali et en Centrafrique, dispose de troupes au Tchad et au Niger et dont plusieurs ressortissants ont été pris en otage dans la région, se prévaut d'une réelle expertise pour impulser cette lutte. La France a des avions de combat Rafale à N'Djamena qui peuvent effectuer des missions de reconnaissance et deux drones au Niger, rappelle une source militaire. Ce sommet intervient alors que Paris est en train de réorganiser son dispositif militaire en Afrique, "pour une conception régionale du contre-terrorisme", selon le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian, qui devrait détailler prochainement le dispositif mobilisant 3.000 soldats français dans la bande sahélo-saharienne. Au plan régional, Paris attend que les pays concernés élaborent un plan avec des mesures communes, comme le partage de renseignements, et un soutien des partenaires occidentaux à ce plan, explique une source diplomatique. Le début d'une coopération entre le Nigeria et le Cameroun, l'un des pays les plus menacés par Boko Haram comme en témoigne l'attaque de la nuit, est à cet égard très attendu. Les deux voisins, longtemps brouillés au sujet d'un différend territorial, ont amorcé une timide normalisation de leurs relations.