Un sommet africain s'ouvre demain à Paris pour coordonner la lutte contre Boko Haram. Voici ce qu'il faut savoir sur ce groupe islamiste qui terrorise le Nigeria. -Que signifie Boko Haram ? En haoussa, l'une des langues parlées au Nigeria, «boko haram» signifie «l'éducation occidentale est un péché». C'est le surnom donné au groupe par les populations locales du nord-est du pays. Officiellement, Boko Haram se fait appeler «Jamaatu Ahlu El Sunna lil Daawa wel Jihad». En français : «La communauté des sunnites pour la prédication et la guerre sainte». Le groupe a été fondé en 2002 sur le modèle des talibans afghans. Il prône la stricte application de la charia et s'attaque autant aux cibles gouvernementales qu'aux populations civiles. -Pourquoi en parle-t-on aujourd'hui ? Parce que Boko Haram s'est engagé dans une escalade de la violence. Le 14 avril, le groupe signe l'attentat le plus meurtrier jamais commis au Nigeria. L'explosion dans une gare routière en périphérie d'Abuja fait 75 morts et une centaine de blessés. Le même jour, 129 lycéennes sont enlevées dans le Nord-Est. Un mois plus tard, le nombre d'otages s'élève à plus de 220. Une source sécuritaire explique que les islamistes peuvent utiliser les femmes otages comme esclaves sexuelles. Le chef de Boko Haram assume. «Une fille de 12 ans, je la donnerai en mariage, même une fille de 9 ans, je le ferai», déclare-t-il dans une vidéo. Ses propos suscitent une vive indignation à l'international. Les Etats-Unis envoient leur drones survoler le nord-est du Nigeria pour retrouver les captives. Au sol, des équipes du renseignement américain, britannique et français analysent les images pour localiser les hommes de Boko Haram. -Est-ce une secte ou un mouvement terroriste ? Les avis divergent. En 2012, Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), insiste sur la dérive sectaire de Boko Haram s'appuyant sur «son intransigeance religieuse, son culte du chef, ses techniques d'endoctrinement, son intolérance à l'égard des autres musulmans et son fonctionnement en vase clos». Ainsi, les membres de Boko Haram doivent se marier entre eux. Le chercheur de l'IRD tempère son propos en notant que «le groupe tient à la fois de la secte et du mouvement social». Côté algérien, Athmane Tazaghart affirme que Boko Haram est devenu un mouvement terroriste structuré. «Ça a commencé comme les talibans par un mouvement un peu rigoriste mais pas djihadiste, déclare l'essayiste en 2011 sur RFI. Et de plus en plus il y a eu des contacts avec AQMI. Des membres de Boko Haram ont été formés dans le Sahel par AQMI». -Combien de membres compte Boko Haram ? Difficile à dire : Boko Haram est en «recrutement» permanent. Ses adeptes proviennent des classes les plus pauvres du pays qui s'estiment abandonnées par les politiques publiques. Et notamment parmi les jeunes déscolarisés. A ces derniers, Boko Haram promet d'échapper au système de dot pratiqué dans la région, en fournissant une épouse bon marché. L'une des raisons pour lesquelles Boko Haram se livre à des rapts massifs de jeunes femmes. Selon des villageois nigérians, les lycéennes enlevées mi-avril seraient vendues à 2000 nairas. Moins de 1 000 dinars algériens. -Qui est Abubakar Shekau ? L'actuel chef de Boko Haram est l'un des djihadistes les plus recherchés au monde. Les Etats-Unis ont promis 7 millions de dollars pour sa capture. Abubakar Shekau serait né, selon les sources, entre 1965 et 1975 dans le nord-est du Nigeria. Issu d'un milieu modeste, il est fasciné par Mohamed Yusuf, le fondateur de Boko Haram, dont il devient rapidement le bras droit. En 2009, Mohamed Yusuf est tué par un raid de l'armée nigériane. Blessé, Abubakar Shekau se planque un an dans le désert avant de réapparaître dans une vidéo sur le web. Il se proclame chef de Boko Haram. Les témoignages le décrivent comme un barbare sanguinaire. Plus de 3000 personnes ont été massacrées par Boko Haram depuis qu'il en a pris le commandement. Dans ses vidéos Abubakar Shekau apparaît comme agité et narquois, pose en tenue militaire, kalachnikov sur l'épaule, et défie l'Occident, sourire aux lèvres. -Que veut Boko Haram ? Dans sa dernière vidéo, postée le 12 mai, Abubakar Shekau se dit prêt à relâcher les lycéennes converties à l'Islam contre la libération des membres de Boko Haram qui sont derrière les barreaux. Un chantage refusé par le gouvernement nigérian. L'un des objectifs politiques du groupe islamiste est d'obtenir une partition du Nigeria. Le Nord est à majorité musulmane quand le Sud est peuplé de chrétiens. Le Nord souffre de pauvreté chronique quand le Sud récolte les fruits de la croissance économique, qui devrait être à 7,4% cette année, d'après le FMI. Boko Haram s'est donc lancé dans une guerre contre le pouvoir central qu'il accuse d'être aux mains des seuls chrétiens. -Quelle est sa sphère d'influence ? L'Etat de Borno est présenté comme le fief de Boko Haram. Cette province du nord-est du Nigeria partage une frontière commune avec le Cameroun, le Tchad et le Niger. C'est là que se replieraient les membres du groupe terroriste lorsque l'armée nigériane intensifie ses offensives. Des incursions qui font craindre aux diplomates occidentaux une régionalisation du conflit à terme. «Boko Haram représente un risque de fragilisation pour tous les pays de la région», insiste une source diplomatique française. Thierry Vircoulon, directeur de programme à l'International Crisis Group, relève que ces derniers mois, la population camerounaise a été directement prise pour cible et que «les Camerounais commencent à s'alarmer». Autre motif d'inquiétude : les élections présidentielle et législatives prévues en février prochain et qui pourraient voir un regain de violence. D'autant que le président Goodluck Jonathan envisage de se représenter, malgré la règle tacite d'alternance entre un président issu comme lui du Sud et un président du Nord.