Le public algérien a joué un grand rôle dans la victoire écrasante des «guerriers du désert» face à la Corée du Sud. Retour sur un show inoubliable à Porto Alegre. Le stade Beiro-rio est plein à craquer pour cet Algérie-Corée du Sud. Il est presque 16h. L'hymne national retentit pour la deuxième fois dans le ciel brésilien. Les supporters algériens entonnent fièrement Kassaman. Les joueurs aussi. C'est la communion parfaite entre les camarades de Bougherra et le public. C'est de bon augure. Le match contre la Belgique semble loin. Celui qu'attendent nos capés depuis mardi commence enfin. On est serein côté algérien. La victoire arrachée un peu plus tôt par la Belgique face à la Russie est perçue comme un signe du destin. «Si on gagne aujourd'hui on remonte à la deuxième place. C'est une occasion à ne pas rater», observe d'emblée Abdelkader un fan venu de Msila. Le onze très remanié de Halilhodzic inspire confiance. On a d'ailleurs longtemps applaudi la titularisation de Mandi, Mesbah, Brahimi, Djabou et Slimani. Les premières minutes révèlent les intentions résolument offensives du sélectionneur national. «Je pense que Halilhodzic a compris que la meilleure défense c'est l'attaque», note Mohammed de Blida. 10e minute. Slimani est déséquilibré à l'intérieur de la surface de réparation. Le public hurle, vocifère. Il réclame un penalty. Mais l'arbitre ne bronche pas. L'équipe algérienne maîtrise son sujet. Slimani rate l'immanquable. Le public s'impatiente déjà. Certains réclament déjà le changement de l'ancien attaquant du CRB à Halilhodzic. «Vous êtes fous ou quoi, le match ne vient que commencer», leur rétorque furieux Slimane de Tizi-Ouzou. Trente secondes plus tard. Le même Slimani donne l'avantage aux Verts (26'). La tribune réservée aux algériens explose. Les brésiliens présents au stade saluent cette ouverture du score. Et un, et deux et trois zéro ! Dans le camp algérien, on ne réalise pas encore qu'on mène au tableau d'affichage quand sur un corner tiré par Feghouli, Halliche saute plus haut que tout le monde pour ajouter le deuxième but (28'). Incroyable. En l'espace de deux minutes seulement, l'Algérie a réussi à faire le break. C'est un scénario auquel personne ne s'attendait. Mais les supporters algériens sont gourmands. Ils espèrent d'autres buts, d'autant plus que la défense de la Corée du Sud semble très fébrile. Djabou, bien servi par le remuable Slimani va le prouver en ajoutant un troisième but dix minutes plus tard. On ne comprend rien du tout, pas seulement dans le camp coréen mais aussi algérien. «et un, et deux et trois zéro», chante une frange du public des Verts. «Halilhodzic tu aurais dû jouer comme ça contre la Belgique au lieu de verrouiller», lance un inconditionnel de l'EN à l'endroit du sélectionneur national.
Une deuxième mi-temps stressante On approche de la mi-temps. Le moral est gonflé à bloc. Malgré l'ampleur du score, le public algérien veut encore un quatrième but. «Ça va nous permettre de nous mettre définitivement à l'abri d'une mauvaise surprise», pense Kamel de Kouba. Ce supporter n'avait pas vraiment tort puisque quelques minutes après le retour des vestiaires, la Corée du Sud réduit la marque par l'inévitable Son Heug Min (50'). Un premier froid frappe les tribunes algériennes. A priori, pour les algériens, la deuxième mi-temps n'est pas du même acabit que la première. Elle s'annonce même stressante pour nos supporters. Cela se lit sur leurs visages. «Nous avons encaissé au mauvais moment, car cette réduction du score va redonner confiance aux coréens», s'inquiète Rabah de Batna. Mais le silence des inconditionnels des Verts aura été de courte durée. Les chants résonnent et galvanisent les hommes de Vahid Halilhodzic. Sur une incroyable combinaison entre Feghouli et Brahimi, ce dernier ne va pas se faire prier pour ajouter le quatrième but algérien (62'). Cela semble être le K.-O. Une clameur sourde monte des tribunes. Les supporters algériens sont à moitié conscients. Cela se comprend parfaitement puisque c'est la première fois dans son histoire que l'Algérie marque quatre buts dans une coupe du monde. «Quand j'aurai des enfants Inchallah, je leur dirai que leur papa était bien là», lâche un jeune supporter de Sedrata. On bouge, on s'agite, on chante, on danse, on crie, on ne sait même plus ce que l'on fait ni comment on s'appelle. C'est complètement fou. La fin du match, une éternité A 4-1 la messe semble dite, mais il faut compter avec la détermination des ouailles de Hong Myung-bo qui continuent à presser les Verts dans leur camp. La passivité de l'axe défensif des fennecs va leur permettre de réduire encore une fois la marque dix minutes plus tard par le biais de Koo Jacheol. C'est carrément la panique chez nos supporters. Les ongles sont presque tous rongés. Il reste encore une vingtaine de minutes à jouer. Une éternité pour le public des Fennecs. On craint un affaiblissement physique de nos joueurs exactement comme ce fut le cas face à la Belgique cinq jours plus tôt. Halilhodzic est interpellé. On exige de lui de faire quelque chose pour tenter de contrecarrer le flux des asiatiques. «Fais entrer Ghiles», lui suggère-t-on. On dirait que le sélectionneur national a suivi le conseil du public puisqu'il incorpore Ghiles à la place de Brahimi, l'un des héros algériens du jour. Mais le bosnien exige plus de sacrifices de la part du douzième homme. De son banc de touche, il se retourne vers le public et lui demande de s'agiter. Ce dernier répond par des «Allez les Verts ! Allez les Verts !» Il sait qu'il a un grand rôle à jouer dans cette fin de match. Entretemps Mbolhi efface d'une magnifique claquette la balle du 4-3. Et le temps passe. On n'ose pas encore s'embrasser et se congratuler. «Ce n'est pas encore fini, il ne faut pas se lâcher» entend-on crier dans les tribunes. Dans les cinq dernières minutes, la Corée du Sud s'offre deux autres occasions de faire douter encore plus son adversaire. Elle ne va pas réussir à transpercer à nouveau la défense algérienne. Le public des Verts est enfin convaincu de la victoire. Au moment où le quatrième arbitre désigne quatre minutes de temps additionnel, les tribunes algériennes s'embrasent. On hurle de joie. Raouraoua évite de justesse l'envahissement de terrain Halilhodzic va pouvoir serrer la main à ses joueurs remplaçants. Raouraoua lui est anxieux. Il constate qu'une cinquantaine de supporters se sont préparés à foncer sur le terrain comme ce fut le cas récemment à Sion lors du match amical Algérie-Arménie. Le président de la fédération algérienne de football quitte rapidement son siège au niveau de la tribune VIP et accoure à la main courante. «Vous allez tout gâcher. Il y en a marre ! Restez à vos places», s'écrie-t-il à l'endroit des fans zélés. Fort heureusement, l'appel du premier responsable du football algérien a trouvé écho parmi ces derniers qui restent sages. Ça y est, c'est fini. L'arbitre siffle la fin du match. L'émotion submerge les quelques 5000 supporters algériens présents au stade. Certains n'arrivent pas à contenir leurs larmes. «Nous avons attendu ce jour depuis 32 ans. Nous avons enfin vaincu le signe indien», hurle Hakim de Bordj Bou Arréridj, la voix nouée par des sanglots. Les supporters algériens ne veulent pas quitter immédiatement l'enceinte de Beiro-Rio. Ils restent à l'intérieur du stade au moins une demi-heure à immortaliser cette mémorable soirée en prenant des photos et vidéos. Ils sont nombreux à profiter de la 3G pour les mettre immédiatement en ligne sur les réseaux sociaux. Mais l'hystérie des algériens va encore se poursuivre à l'extérieur du stade. De par leurs chants et danses typiquement algériens, ils vont créer une ambiance surréelle. Les brésiliens sont impressionnés. «C'est un public complètement fou. Il me fait penser à ceux de Gremio et International les deux grands clubs de la ville de Porto Alegre réputés parmi les plus chauds d'Amérique du Sud», nous confie Rodrigo un sexagénaire «gaucho» qui a assisté à la partie avec ses deux filles. Porto Alegre n'a pas dormi L'ambiance hystérique créée par les algériens est vraiment sans pareil. Des centaines, voire des milliers de Brésiliens, argentins et uruguayens rejoignent le contingent vert, blanc et rouge. On se regroupe tout le long de l'avenue principale qui longe le stade. C'est fou comme on s'amuse. Les caméras de télévision des chaînes brésiliennes et étrangères accourent pour filmer ces images impressionnantes. A croire qu'on venait d'assister à une finale de coupe du monde ! on remarque plusieurs échanges de maillots entre les supporters algériens et sud-américains, notamment brésiliens. Un lien solide s'est lié entre les deux parties. «Je souhaite de tout cœur que l'Algérie se qualifie au prochain tour», lance un jeune brésilien à un fan algérien qui venait de prendre une photo avec lui près d'un restaurant. Un groupe de supporters argentins qui s'est installé dans la ville en prévision de la prochaine sortie de l'Albiceleste face au Nigeria dans ce même stade de Beiro-Rio trouve une similitude chez les algériens dans la manière de vivre leur passion pour le football. «c'est un public chaud, bouillant et très chauvin. Exactement comme le nôtre», assure Diego qui fait partie des nombreux compatriotes de Lionel Messi venus assister au match. Sur le chemin du retour, on croise plusieurs supporters sud-coréens. Malgré la défaite, ils gardent encore le sourire. Certains supporters algériens les taquinent, mais il faut bien plus pour les faire réagir. «Ils sont très fair-play. A leur place, je me serai énervé après une telle défaite», fait remarquer Samir de Sétif. Un peu partout dans la ville où se trouvent les hôtels qui hébergent les fans algériens, la fête va durer une grande partie de la nuit. Qu'importe le réveil difficile, le moment est historique.