L´ancien président français, qui a piloté avec zèle la guerre de Libye, est au centre d´une nouvelle affaire de corruption qui risque, cette fois, de ne pas finir, comme les précédentes, dans les archives. L´une des «deux dames» - vocable qu´il a utilisé à la télévision pour désigner les deux juges femmes qui l´ont entendu la semaine dernière dans une affaire de «trafic d´influence» - vient de mettre la main sur de possibles preuves matérielles sur le financement de sa campagne électorale pour l´Elysée par le colonel Kadhafi. Nicolas Sarkozy avait toujours catégoriquement nié, devant les médias et les institutions politiques de son pays, ces accusations, qualifiant de «grotesques et ridicules» les enquêtes menées en 2011 puis en mars et avril 2012, sur cette affaire de corruption par les chevronnés journalistes de Mediapart, Fabrice Arfi et Karl Laske. Il faut se rappeler qu´un «mémorandum confidentiel» a été rendu public il y a deux ans en France sur les «conditions de financement de la campagne de S. N. (Nicolas Sarkozy)». Ce mémorandum fait état d´une réunion secrète qui s´est tenue en octobre 2005, en présence du directeur des services secrets libyens, Abdallah Saoussi, le président des fonds libyens d´investissements africains, Bachir Salah, et du côté français, deux proches de Nicolas Sarkozy : Brice Horteffeux désigné par B. H., ses initiales dans le document, et l´intermédiaire homme d´affaires arabe, Ziad Takieddine. Aujourd´hui, la «dame» juge a mis la main sur un document écrit en arabe daté de décembre 2006, dans lequel les services secrets libyens évoquent un «accord de principe» pour aider Sarkozy à battre sa rivale pour l´Elysée, Mme Ségolène royale, aux élections de 2007. Le document remis aux deux journalistes par d´anciens dirigeants libyens entrés dans la clandestinité porte la griffe de Moussa Kousa. Cet homme fut pendant 15 ans le chef des puissants services de renseignement de Mouammar Kadhafi. Moussa Kousa, actuellement en exil, était même considéré par Paris et les autres capitales des pays membres de l´Otan, comme le «cerveau» des attentats de Lockerbie en 1988 et du DC10 français au-dessus du Niger en 1989, dans lequel l´ingénieur algérien Bouhired avait trouvé la mort. Qui sont les témoins potentiels ? Ce sont d´abord ces journalistes et ces hommes politiques de l´ancien héritier du régime libyen, Seif El Islam. Le fils du colonel Kadhafi avait assuré, au plus fort de l´intervention française en Libye, qu´il existait des documents sur les virements bancaires effectués par Tripoli pour le compte de Nicolas Sarkozy. Depuis son incarcération, Seif El Islam n´a pas eu l´occasion de revenir sur le sujet. Toutefois, de plus en plus, les langues commencent à se délier à Tripoli deux ans après la chute du régime de Kadhafi. Des membres du Conseil national de transition en Libye ont, eux aussi, commencé à être plus bavards et confirmer les dires de Seif El Islam. La confirmation des faits remonte jusqu´à l´administration française. Une investigation judiciaire menée par les juges Emmanuelle Legrand et René Cros a ainsi pu recueillir une déclaration de l´ambassadeur François Gouyette qui fut en poste à Tripoli de janvier 2008 à février 2011, date de l´intervention militaire française en Libye. Le diplomate affirme que l´une de ses «sources d´information» locales lui avait confirmé les accusations portées contre Sarkozy par Seif El Islam. Ce diplomate, le plus informé de tous ses confrères du dossier libyen, est aujourd´hui en poste à Tunis d´où il suit l´évolution de la situation dans le pays voisin. Pour la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, le parti UMP, en déconfiture, avait officiellement déclaré la somme de 20 millions d´euros. La juge centre son enquête sur l´obscure somme de 50 millions d´euros libyens dont des témoins sont prêts à dévoiler l´origine et nommer celui qui l´a encaissée pour le compte du candidat Sarkozy. On saura alors si l´ex-président français est victime de «harcèlement de la part de juges politiques».