La présence de militaires algériens dans le cadre d'une cérémonie honorant les combattants de la première guerre mondiale fait couler beaucoup d'encre des deux côtés de la Méditerranée. En Algérie, où les camps du pour et du contre font valoir des arguments qui sont recevables, une prise de position tranchée n'est pas aisée. En France, les partis et groupuscules affiliés à la droite et l'extrême droite ont une position véhémente à l'égard de cette présence et usent de qualificatifs racistes et d'arguments fallacieux pour discréditer l'ANP et le gouvernement algérien. A titre illustratif, Marine Le Pen, présidente du Front national, a déclaré hier sur la chaîne d'information française en continu «I Télé» que «la présence de militaires algériens au défilé du 14 juillet est choquante car ceux qui ont combattu pour la France étaient français et que par conséquent, ces militaires n'avaient rien à faire sur les Champs Elysées, et ce, d'autant que le gouvernement algérien ne cesse d'insulter la France en toute circonstance et qu'aucun dossier relatif aux pieds-noirs et aux harkis n'a été réglé». Ce type de déclarations incendiaires est le fruit de la rhétorique raciste que ne cesse de prôner le FN depuis son émergence dans les années 80. De surcroît, ses propos interviennent après qu'elle ait tenté de lancer en France un faux débat sur la binationalité, voulant cibler de nouveau les Franco-Algériens. Ce débat n'ayant pas pris, Le Pen, son parti et les groupuscules fascistes qui lui sont affiliés ont décidé de faire de la présence des militaires algériens le 14 juillet un sujet de polémique et de ratisser large, notamment les nostalgiques de l'Algérie française. Me Fatima Benbraham, avocate à la cour d'Alger, agréée à la Cour suprême, au Conseil d'Etat et qui s'attelle depuis des années à faire émerger la vérité sur les essais nucléaires français en Algérie, a tenu à répondre aux allégations mensongères de Marine Le Pen. Ainsi, elle a expliqué que l'Algérie n'avait jamais insulté la France mais demandé aux tortionnaires qui ont commis des crimes contre l'humanité en Algérie de rendre des comptes. «Qu'elle n'oublie pas qu'elle est la fille d'un tortionnaire qui a commis des crimes contre l'humanité. Les Algériens réclament à juste titre que les criminels de guerre rendent des comptes», a-t-elle souligné. S'agissant des harkis, un dossier que ne cesse d'instrumentaliser l'extrême droite et ce, afin d'en faire les principales victimes de la guerre de libération, occultant ainsi les 1.5 million de chouhada, Mme Benbraham a indiqué que les harkis avaient choisi de devenir français pendant la guerre et de rester français après l'indépendance. Selon elle, si la France les a trahis, leur sort ne concerne pas l'Algérie, car c'est un problème franco-français. Elle conseille même à Mme Le Pen qui est elle-même avocate de s'enquérir de ce dossier et de défendre les harkis. «S'ils obtiennent gain de cause, nous pouvons comprendre qu'ils soient récompensés par l'armée des tortionnaires, mais pour nous, ce sujet est clos puisque nous avons réglé le problème entre 1962 et 1964. Cette problématique est éminemment franco-française, nous n'avons pas à nous y intéresser», a-t-elle relevé. L'Algérie n'a pas à indemniser les pieds-noirs Dans le même sillage, elle réfute les assertions de la présidente du FN quant au dossier des pieds-noirs, soulignant que l'Algérie les avait déjà indemnisés. «Si la France n'a pas réparti équitablement l'argent perçu, ce n'est pas notre problème. Je préconise de rédiger un bréviaire des Accords d'Evian et de le lire avec beaucoup d'intelligence car contrairement à ce qu'elle veut nous faire croire, ce ne sont pas les Algériens qui ont poussé les Français à quitter l'Algérie mais l'OAS et ce, en faisant passer le message de la valise et du cercueil», a-t-elle rappelé, ajoutant que les Accords d'Evian prévoyaient que ceux qui partent et qui ne reviennent pas dans un délai de deux ans verront leurs biens nationalisés, et qu'a contrario, les Français qui sont restés ou qui sont revenus dans les délais impartis jouissent de leurs biens. Ce qui est le cas puisqu'ils vivent en parfaite harmonie avec la population. «Que réclament-ils à l'Algérie ? Etaient-ils en possession d'un lopin de terre quand ils sont venus conquérir le pays ? Non ! Ils ne possédaient que leurs baïonnettes et leurs sabres. Ils ont chassé les Algériens de leur terre, les ont occupés par les armes, le feu, le sang et c'est de la même manière que nous avons récupéré» nos terres», a-t-elle expliqué. Dans le même ordre d'idées, elle a estimé qu'en comptabilisant les terres spoliées, les massacres et génocides perpétrés, c'est plutôt à la partie adverse d'être redevable des Algériens. «Ils nous ont spoliés de 1832 à 1962. C'est grâce à l'Algérie que la France est ce qu'elle est aujourd'hui. Le pays a acheminé nos richesses, notre main-d'œuvre en vue d'édifier la France, c'est à nous de réclamer des comptes», a-t-elle attesté. Revenant sur la polémique inhérente à la binationalité, cette spécialiste du droit recommande à Mme Le Pen si prompte à insulter les Maghrébins en général et les Algériens en particulier à regarder le passé en face, rappelant qu'il fut un temps où la France demandait aux Algériens de prendre la nationalité française et d'abandonner leur statut de musulman, ce qu'ils ont refusé. «Les Algériens se sont battus pour leur pays. Les binationaux doivent jouir de leur nationalité française car si la France nous a colonisés 132 ans, il est de notre droit de rester dans ce pays 132 ans, voire davantage», argumente-t-elle, préconisant à la présidente du mouvement bleu marine de s'intéresser à sa politique nasillarde en s'appuyant sur des questions internes à son pays au lieu de s'aventurer à feuilleter les pages brûlantes de l'histoire de l'Algérie.