Le dossier de l'assassinat des moines de Tibhirine refait surface. Cette fois, le juge français Marc Trévidic, chargé de l'enquête sur l'assassinat des religieux français de Tibhirine en 1996, s'est montré excédé, hier, des reports de sa visite en Algérie. S'exprimant sur France Inter, il a expliqué qu'il n'a pas apprécié ces reports en lançant : «Il va falloir savoir si on se moque de nous.» Ce magistrat antiterroriste dit avoir par deux fois reporté son déplacement vers l'Algérie, qui a accepté que Marc Trévidic se déplace afin de procéder à l'autopsie des corps des religieux décapités. Les reports seraient dus, selon le juge français, notamment à l'absence d'invitation officielle d'Alger. Quand ce magistrat arrivera-t-il en Algérie ? «Je n'ai pas de date. Je ne comprends pas ce qui se passe», a déclaré hier matin Marc Trévidic. «En septembre-octobre, une bonne fois pour toutes, il va falloir savoir si on se moque de nous ou pas, a poursuivi le juge d'instruction», a-t-il ajouté. Lors de cette visite, le juge compte se rendre à Tibhirine pour faire exhumer et expertiser les têtes des sept moines, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère près de Médéa, est-il noté. Le deuxième report de cette visite a eu lieu en mai. Les autorités algériennes, par le biais du ministre de la Justice, notamment, et françaises, par le biais du ministre des Affaires étrangères, ont déclaré qu'aucun obstacle ne se dressait contre la visite de ce magistrat français en Algérie. Marc Trévidic confie, toutefois, son désarroi : «Je ne peux pas dire plus que : envoyez-moi la date qui vous convient et nous viendrons», ajoutant : «Qu'est ce que vous voulez que je fasse d'autre ? Je ne vais pas m'immoler par le feu pour un dossier.» Fin 2013, l'Algérie avait donné son feu vert aux expertises, est-il rappelé. Une autopsie des têtes des moines pourrait éclairer les enquêteurs sur les conditions des assassinats. Le rapt des religieux avait été revendiqué par le GIA (Groupe islamique armé), mais l'enquête s'est aussi orientée vers «une possible bavure de l'armée algérienne». Une «bavure» écartée par les témoignages de membres mêmes du GIA qui ont relaté les faits : la façon avec laquelle les terroristes du GIA ont enlevé et assassiné les moines de Tibhirine, des religieux très appréciés par la population locale. Autre preuve que les 7 moines de Tibhirine ont été enlevés et assassinés par le groupe islamique armé, organisation terroriste qui sévissait en Algérie à l'époque, est le fait qu'un émissaire du GIA, dirigé par Djamel Zitouni, à cette époque, ait été reçu à l'ambassade de France en Algérie où il tentait de négocier la libération des religieux enlevés. Malgré les témoignages et preuves attestant que les 7 moines de Tibhirine eurent été enlevés et assassinés par le GIA, qui, d'ailleurs, revendique ces crimes, les partisans du «Qui tue qui ?» tentent de mettre en cause l'armée algérienne dans cette affaire, insistant sur l'éventualité d'une «bavure militaire». Des considérations politiques animent cette volonté de disculper les terroristes du GIA de leurs crimes et de remettre en cause les efforts de l' Algérie en matière de lutte antiterroriste à un moment où le terrorisme est soutenu, financé et armé en Syrie, en Irak et ailleurs.