Le rideau a été levé sur la 10ème édition du festival du théâtre amazigh de la Soummam, dont un hommage, lors de la séance inaugurale, jeudi soir à Akbou, a été rendu à deux figures de proue de la chanson mais aussi du théâtre d'expression berbères que sont Slimane Azem et Cheikh Nourredine. Des témoignages, des déclamations poétiques, du chant, le tout agencé autour de deux pièces aux thématiques se rapportant à l'hommage et aux parcours de ces deux personnalités emblématiques qui ont bercé de leur art plusieurs générations de mélomanes et qui continuent à exercer la même influence, bien des années après leur disparition. Slimane Azem, est la star populaire par excellence. Il est réputé être la voix de l'émigration en France, dont il a chanté continuellement les déceptions et les joies, mais aussi l'espoir de rentrer un jour au pays. Son répertoire, composé de plus de 70 chansons en est truffé, dont quelques unes ont traversé le temps sans prendre la moindre "ride". Ainsi en est le cas de "Algérie mon beau pays" ou encore "Afegh a ya djrad" (criquet fou le camp), un pamphlet contre le colonialisme. L'auteur, qui a "sévi" longtemps sur les ondes de Radio Paris, notamment dans le "quart d'heure Kabyle", alors consacré, a eu un engagement politique très fort et a été récipiendaire de plusieurs prix le consacrant comme l'un des meilleurs artistes Maghrébin d'Alors. Il a été notamment disque d'or, dans les années 70, à l'occasion d'un duo, effectué avec feue Nora. Il s'est également produit plusieurs fois sur la scène mythique de l'Olympia de Paris, avant de rendre l'âme, en 1983. C'est lui aussi qui a inauguré le théâtre radiophonique et la comédie musicale d'expression amazighe. Cheikh Nordine, de son vrai nom Meziane Nordine, n'est pas en reste, son parcours étant aussi étincelant de création, de générosité et de succès qui en font de lui un artiste hors pair. Fondateur de la chaine-II de la radio nationale, il fait office de pionnier de la chanson satirique et du théâtre radiophonique. Il est également l'artisan de la mise sur pied du premier orchestre populaire kabyle au sein duquel se sont révélés de grandes voix et d'immenses talents, à l'instar de H'Nifa, Ounissa ou Chérifa, ou encore Kamel Hamadi et Youcef Abjaoui. Modeste, féru du Chaabi et fan du Mouloudia d'Alger, Cheikh Nordine a été aussi un acteur de talent, ayant participé dans les œuvres cinématographiques les plus en vue du pays. Il a campé, entre autres choses, dans "Les hors la loi" (1968) de Farès Tewfik, "Chroniques des années de Braise" (1975) de Lakhdar Hamina, "Patrouille de l'Est" (1970) de Amar Laskri et "Chant d'automne" de Yala Méziane. Il est décédé en Août 1999. Beaucoup de témoignages ont été consacré à leur vie durant cette soirée inaugurale, notamment de l'anthropologue Abdennour Abdeslam, du poète Boualem Messouci, du chanteur Hamid Medjahed, et de la chanteuse Louisa qui eu le privilège de travailler de longues années avec slice Azem, et est resté des mois durant à son chevet, alors qu'il était malade. "C'est un peu mon père", dira-t-elle la voie nouée d'émotion. Un peu pour magnifier ses évocations, la troupe Thagharma de Chellat, n'en demandait pas tant pour dérouler sa nouvelle pièce, une comédie musicale, reprenant tout les titres cultes des deux personnages, plongeant la salle remplie comme un œuf, dans un plaisir nostalgique bouleversant, prolongée du reste par la 2ème pièce au programme, articulée pour l'essentiel autour d'une œuvre fantastique, mettant en relief, la résistance d'un village face à un roi, totalitaire et son éléphant prédateur. La particularité de l'œuvre est sa référence au village d'Aguemmoun de Larba Nath Irathene (Tizi-ouzou), lieu de naissance de cheikh Nordine. Conviviale, émouvante, cette première séance inaugurale qui s'est prolongée jusqu'à deux heure du matin, a été un succès plein, augurant de nouvelles surprises à venir. Pas moins de quinze spectacles y sont attendus.