Le désormais traditionnel festival de la chanson et de la musique kabyles s'est ouvert mercredi dernier avec une affiche très alléchante, la star Kabyle, Ait Menguellet qui a n'a pas depuis la sortie l'an dernier de sa "feuille blanche ", arrêté de sillonner les salles d'ici et d'ailleurs. Par Yasmine Ben Organisé dans la ville de Bgayet, ce rendez-vous qui se passe au théâtre régional, Malek Bouguermouh est dédié au fils de la contrée, Rachid Baouche alias Abdelwahab Abjaoui un artiste qui approche les 84 berges. Cette quatrième édition va à contre courant de sa tradition qui veut qu'elle se tienne en été, mais le Ramadhan a sans doute obligé les organiseurs à la décaler. Ce festival se passera au niveau de plusieurs sites à savoir, le Théâtre régional, l'esplanade de la Maison de la culture ainsi que quatre plateaux, Yemma Gouraya, Bordj Moussa, la Brise de mer de Sidi Abdelkader et la place du 1er Novembre (ex-place Gueydon). Pas moins de neuf communes de la wilaya ont assisté à l'ouverture de cette manif qui se poursuivra jusqu'au 15 du mois et qui mettra en vedette 110 chanteurs dont des stars et des amateurs. Ce rendez- vous mettra, en outre, en lice des candidats pour les meilleurs prix. "La chanson en représentation", est le thème générique de cette rencontre et la comédie musicale dans son volet relatif à la chanson théâtralisée. Kamel Hamadi et Benouhamed, deux figures emblématiques de la chanson et de la poésie kabyles parraineront ce rendez- vous qui verra aussi la présence du cheikh Abdelwahab Abjaoui, les représentants du théâtre algérien qui ont marqué la chanson en représentation, et, néanmoins, amis du cheikh, Slimane Chabi, Mohamed et Saïd Hilmi, et autres Mhenni entre autres. En parallèle à la chose lyrique qui se déroulera chaque soir, des expositions, des conférences-débats avec des musicologues et autres spécialistes sont prévus chaque jour à partir de 10h au TRB. Plusieurs conférences autour de la thématique de la musique savante et également sur la chose théatrale qu'elle soit vocale ou scénique dans la chanson kabyle, sont au menu. Celles-ci seront animées par Kamel Hamadi, Farida Aït Feroukh, coordinatrice scientifique du festival, Ali Sayad, Saïd Chamakh, et autre Rabah Boudjemaâ. Des danses tango sur les airs de Abdelwahab Abjaoui émailleront ce rendez-vous qui verra la participation de grandes figures de la chanson kabyle dont Djamel Allam, Nouara, Madjid Soula et Yasmina. A titre honorifique, il y aura aussi Hassan Dadi, Bada Ibaden et Djamel Izli, pour donner l'occasion aux chanteurs amateurs kabyles de se frotter aux vedettes de la chanson amazighe dans ses différents genres, chaoui, targui et mozabite.
Cheikh Abdelwahab Abjaoui, la mémoire dans la peau Né en 1925, Cheikh Abdelwahab Abjaoui a longtemps travaillé sous la direction du regretté Cheikh Sadek Abjaoui (1907 / 1995). Responsable de la section musicale, le jeune Abdelwahab fait partie du groupe artistique de la station radiophonique de Bgayet. Cette station aurait démarré vers1946. Pendant plusieurs années et cela jusqu'en 1962, les deux compères enregistrent des centaines de chansons en Kabyle et en arabe. Parmi le groupe en question il y avait, entre autres musiciens, Cheikh Amokrane Agaoua, Ckeikh El-Mouhoub, El-Ghazi (interprète de la fameuse chanson "Chewing-gum, Chewing-gum ") et quelques autres dont il serait grand temps de réunir les noms auprès de ceux qui sont encore aujourd'hui vivants. Célèbre interprète de "Ah ! Ah ! A Belyazit, anda tensit itelli...", Cheikh Abdelwahab Abjaoui est surtout connu pour les quelques chansons qui passent encore à la radio algérienne (Chaîne kabyle). Parmi celles-ci se trouve la plus connue qui s'intitule "A bel yazit", célèbre conte "Le chien, le chacal et le coq", chanté en duo avec Cheikh Sadek Abjaoui. Il y a aussi "A Bu taâmamt d uqendur" qui raconte l'histoire du bateau qui revient de France ramenant des émigrés longtemps séparés de leurs familles". De son vrai nom, Rachid Baouche, Abdelwahab Abjaoui, guitariste également, n'a cessé en même temps que cheikh Sadek Lebjaoui d'être inquiété par les autorités coloniales pour "création, interprétation et diffusion d'une chanson à caractère subversif". En outre, Abdelwahab Abjaoui était, surtout, l'un des musiciens-clés, virtuose de l'orchestre type de cheikh Sadek Lebjaoui, aux côtés du défunt Chérif Hamza, cheikh El Mouhoub et -plus tard et plus jeunes- Mohamed Raïs et El Ghazi. Concernant ce dernier, Abdelwahab Abjaoui dit Da Rachid, révèle que "si les paroles de la chanson phare de notre crooner national El Ghazi, 'Mahla del Aâchiya' sont écrites par Sadek Lebdjaoui, la musique est tirée d'un film brésilien du début des années 1950". Abdelwahab Abjaoui séduit et force le respect par son extrême gentillesse, sa serviabilité et son humilité. Parallèlement à ses activités artistiques, Da Rachid était surtout connu comme "l'homme de la situation" au Théâtre de Béjaïa, en sa qualité d'électricien qualifié, qui avait la charge délicate de veiller au bon déroulement de tout spectacle sur le plan technique et bien sûr la sono. Parfois, il est même machiniste de secours, métier rare et important dans les espaces de spectacle. Travaillant avec sa voix et surtout ses mains, Da Rachid a croisé la route de Tino Rossi, Camille St Saens et son orchestre philharmonique, Pia Colombo, Eddy Mitchell, Léo Ferré, Mohamed Tahar Fergani, Mohamed Lamari, Saloua, le défunt El Hachemi Guerrouabi et bien d'autres célébrités nationales et internationales venues se produire sur les planches du Théâtre de Béjaïa durant les années 1950 à 1970. En 2008, la seconde édition de ce festival sous des spectacles est surtout un mémorable colloque intitulé "Regards croisés sur la chanson kabyle". En plus du colloque, il y a eu la projection du film sur la regrettée H'nifa. Ce rendez-vous a été se rappelle-t- on dédié à feu Farid Ali et a eu deux parrains artistiques en les personnes de Ben Mohamed et Kamel Hamadi. Le colloque fut animé par l'anthropologue Farid Aït Ferroukh, le linguiste Ramdane Rehib, le docteur Mohand Akli Salhi, l'anthropologue Ali Sayad ainsi que d'autres personnalités.