L'Algérie a abrité, de lundi jusqu'à mercredi un séminaire international destiné aux secrétaires généraux des Comités olympiques nationaux africains. Il sera suivi aujourd'hui et demain d'un Forum international sur la bonne gouvernance des instances sportives. Les deux évènements sont organisés par le Comité olympique algérien sous l'égide du Comité international olympique (CIO) et de l'Association des Comités nationaux olympiques africains (ACNOA). Nous avons rencontré le président de cette dernière, membre du Comité exécutif du CIO, l'intendant-général Lassana Palenfo pour qu'il nous en parle. Le Temps d'Algérie : Pourquoi un séminaire destiné aux secrétaires généraux des Comités olympique nationaux africains ? Lassana palenfo : Dans un monde en perpétuel changement, il est indispensable de s'adapter à ce qui se fait un peu partout et voir ce qui ne va pas pour essayer de le corriger. Le séminaire d'Alger n'est que le rouage d'un long processus puisqu'il est organisé chaque année dans un pays différent du continent. Je tiens ici à rendre hommage à votre pays qui a bien voulu accueillir cette session et à remercier ses autorités, en premier lieu son Excellence, le président de la république, M. Abdelaziz Bouteflika, pour les moyens qui ont été développés afin de permettre la réussite de nos travaux. Comme je vous l'ai dit, ce genre d'initiative est nécessaire pour amener les Comités nationaux olympiques africains à être au diapason des technologies modernes. La session d'Alger est d'ailleurs consacrée à l'outil informatique, sachant qu'il est aujourd'hui le moteur indispensable de l'information et de la communication instantanées. Grâce aux experts du CIO et au soutien du Comité olympique américain, qui fait don de cet outil informatique, une avancée sera effectuée dans le sens de l'efficacité de ces Comités nationaux olympiques. Ce séminaire sera suivi d'un Forum international sur la bonne gouvernance dans le sport... C'est exact. Nous avons jugé utile de l'organiser car la bonne gouvernance est un thème d'actualité sachant qu'il ne suffit pas d'avoir été élu pour diriger une instance sportive, le tout est de posséder les compétences et le savoir-faire pour bien la gérer. S'agit-il d'un problème exclusivement africain ? Absolument pas. Il est universel. La bonne gouvernance est d'autant plus importante dans le secteur du sport que l'argent dont vous disposez pour activer ne vous appartient pas. Vous défendez donc la thèse selon laquelle un gouvernement, quel qu'il soit, a le droit de demander des comptes aux instances sportives de son pays ? C'est une thèse que défend tout le mouvement olympique. C'est l'Etat qui construit les stades, les piscines, les salles omnisports. C'est lui qui finance le sport. Il est tout à fait normal qu'il cherche à savoir ce qu'on fait de son argent. Le problème est que les politiques, à partir du moment où ils ont un pouvoir, cherchent à placer leurs hommes à la tête des instances sportives. C'est là que le mouvement olympique dit non. Le sport doit être autonome de toute emprise politique et doit choisir librement ceux et celles qui doivent le diriger tout en sachant que ces derniers ont le devoir de rendre des comptes aux autorités politiques de leur pays sur l'utilisation de l'argent qui leur a été octroyé pour travailler. Je parle ici de l'argent public d'un Etat car d'un autre côté il y a l'argent versé au titre de la solidarité olympique par le CIO. C'est à ce même CIO qu'il convient de rendre des comptes sur la manière dont cet argent a été utilisé.
Quelles sont les carences dont souffre le sport en Afrique ? Elles sont essentiellement d'ordre financier. Vous savez, dans la politique que mène tout pays, quels sont les secteurs prioritaires dans la distribution des finances ? Ce sont essentiellement l'éducation et la santé. Le sport a sa part mais il n'arrive que parmi les derniers. On a toujours l'impression que le sport reçoit énormément d'argent mais lorsque vous comparez avec ce qu'on donne aux autres secteurs, vous vous apercevez que ce sont des sommes tout à fait négligeables. Je le comprends, car on ne saurait mettre le sport sur un pied d'égalité avec des secteurs aussi importants que l'éducation et la santé. Même quand il s'agit de désigner un gouvernement, le portefeuille des sports n'est donné qu'au dernier moment, souvent à n'importe qui, parfois des gens qui n'ont jamais fait de sport ou qui n'aiment carrément pas le sport. Je vous disais donc que le sport ne recevait qu'une maigre subvention qui atterrit entre les mains du ministre chargé des Sports. Que peut-il faire alors quand il s'agit de distribuer cet argent entre plusieurs Fédérations sportives ? Que peut-il faire quand il se sent obligé de consacrer 80% de ces sommes au football pour des raisons d'ordre social et politique quand on sait l'impact qu'a ce sport sur les foules ? A la fin, il ne reste que des broutilles aux autres sports sachant que même le football ne reçoit pas des sommes faramineuses puisque le budget consacré au sport est loin d'être du niveau de celui qui va aux autres secteurs. Face aux sommes demandées en matière de droits de télévision, il y a des compétitions sportives qui risquent de ne plus être suivies dans bon nombre de pays. Nous pensons surtout aux Jeux olympiques que des pays africains pourraient ne plus voir sur leur petit écran car étant dans l'impossibilité de s'acquitter de tels droits. Que peut faire l'ACNOA pour remédier à un tel problème ? Il ne touche pas que l'Afrique mais d'autres continents. Des pays qui sont dans l'impossibilité de s'acquitter des droits d'image sont légion et le CIO en est parfaitement conscient tout comme l'ACNOA. C'est un problème que nous avons décidé de prendre à bras le corps. Nous sommes en discussion avec des organismes en vue de trouver une solution qui satisfasse tout le monde. Comme vous le savez, une partie de l'Afrique est secouée depuis un certain temps par l'épidémie de fièvre Ebola qui a amené le Maroc à demander à la Confédération africaine de football de reporter à une date ultérieure la CAN qu'il doit organiser au mois de janvier prochain. Qu'en pense le président de l'ACNOA ? Ce qui se passe dans cette partie de l'Afrique de l'ouest est terrible, notamment dans des pays comme la Guinée, le Libéria et la Sierra Léone. Mais est-ce une raison pour s'alarmer ? Est-ce une raison de demander presque l'isolation totale de ces trois pays ? Il faut savoir garder son sang-froid dans de telles circonstances. A ce que je sache, malgré ce qui se passe dans ces trois pays, on continue à y aller. Les compagnies aériennes internationales ne les boycottent pas. Des gens de ces pays continuent à voyager à travers le monde sans aucun problème. Il y a, aux quatre coins de la planète, des congrès, des séminaires et des rencontres internationales organisés avec la participation des citoyens des pays concernés. A-t-on entendu parler de l'annulation de tel ou tel congrès à cause d'Ebola ? Pourquoi alors le sport doit-il payer pour cela ? Pourquoi veut-on sanctionner le sport parce qu'il y aurait une épidémie dans un pays ? D'après ce que j'ai appris le Maroc a bien abrité récemment une rencontre de football entre l'équipe guinéenne et celle du Ghana. Mon pays, la Côte d'Ivoire, a organisé sur son sol, il y a quelques jours de cela, un match entre son équipe nationale et celle de Sierra Léone. Dans les deux circonstances, il n'y pas eu le moindre problème. Je comprends qu'on soit inquiet par la maladie mais selon moi il n'y a que l'Organisation mondiale de la santé qui puisse se prononcer, de manière officielle, sur le sujet et dire s'il faut ou non s'engager dans un processus visant à mettre en contact les ressortissants de plusieurs pays. Vous savez, le sport est régi par un calendrier international que l'on se doit de respecter à partir du moment où vous avez donné votre accord d'organiser un évènement. Le sport ne s'est jamais arrêté même dans des zones en conflit armé. Il faut respecter ses engagements.