Des milliers de personnes ont manifesté jeudi soir à New York et dans d'autres grandes villes américaines pour protester contre l'impunité accordée à des policiers ayant tué des jeunes suspects noirs, qui a ravivé les tensions raciales dans le pays. Ces manifestations ont coïncidé avec la révélation d'une nouvelle affaire dans l'Arizona, où un policier de Phoenix a tué un homme noir de 34 ans désarmé suspecté de trafic de drogue lors de son arrestation. Pour la deuxième nuit consécutive, les New-Yorkais ont manifesté dans plusieurs quartiers de la ville, prenant notamment d'assaut le pont de Brooklyn, pour exprimer leur indignation après la décision d'un jury populaire de ne pas poursuivre un policier blanc, responsable de la mort d'un père de famille noir, Eric Garner, cet été lors d'une arrestation musclée à New York. Aucun incident sérieux n'a été signalé mais plus de 200 personnes ont été arrêtées, la plupart du temps pour troubles à l'ordre public. D'autres manifestations ont eu lieu dans plusieurs grandes villes américaines comme Chicago, Boston, Philadelphie, Baltimore ou Washington, où elles ont paralysé le trafic automobile à proximité de la Maison Blanche. Le 17 juillet, Eric Garner, soupçonné de vente illégale de cigarettes à New York, avait été plaqué au sol et serré au cou par un policier blanc. Il était mort peu après s'être plaint de ne pas pouvoir respirer. Le médecin légiste avait conclu à un homicide. Quelques semaines après le décès d'Eric Garner, un jeune noir non armé était abattu à Ferguson, dans le Missouri, par un policier blanc qui a été lui aussi disculpé par un grand jury le 24 novembre, déclenchant des semaines d'émeutes dans cette banlieue de la ville de St Louis. Darren Wilson avait tiré douze fois sur Michael Brown, 18 ans. Jeudi, le ministre de la Justice, Eric Holder, a par ailleurs présenté les conclusions d'une enquête accablantes pour la police dans une autre affaire à Cleveland dans l'Ohio (nord) où un enfant noir de 12 ans a été tué par un policier le 22 novembre. La police de Cleveland a fait un usage "excessif" de la force par le passé, a affirmé Eric Holder, lui-même noir, qui s'était rendu sur place dans le cadre d'une tournée des services de police après cette série d'affaires. Tamir Rice, garçon noir de 12 ans, avait été tué alors qu'il manipulait une arme factice dans une aire de jeux. Dans une vidéo compromettante, le policier tire sur lui quelques secondes seulement après être sorti de sa voiture. Un nouveau drame de ce type a été révélé jeudi dans l'Arizona, où un policier blanc a tué de deux coups de feu un Noir de 36 ans non armé, Rumain Brisbon, suspecté de vendre la drogue et qui aurait tenté de s'enfuir pour échapper à une arrestation selon la version de la police contestée par l'avocate de la famille de la victime. Jeudi soir, des milliers de New-Yorkais se sont d'abord rassemblés dans le square Foley, dans le sud de Manhattan, près de la mairie et du quartier général de la police new-yorkaise, brandissant des pancartes avec des inscriptions "La vie des Noirs compte", "Le racisme tue", ou encore "Ferguson est partout". Alors que le cortège grossissait, la police a fermé le principal tunnel reliant Manhattan au New Jersey, les télévisions montrant des milliers de manifestants massés dans l'ouest de Manhattan. Plus tôt jeudi, le maire démocrate Bill de Blasio, dont la femme est noire et les enfants métis, avait une nouvelle fois appelé au calme. "La frustration est compréhensible. Des siècles de racisme nous précèdent, mais en travaillant ensemble, nous pouvons nous détourner de cette histoire", a-t-il déclaré. Réforme des méthodes policières La démocrate Hillary Clinton, probable candidate à l'élection présidentielle de 2016, a appelé jeudi à une réforme du système pénal et des méthodes policières, déplorant que les Noirs aient "plus de chances d'être interpellés et fouillés par la police, inculpés et condamnés à des peines plus longues" que les Blancs. Le secrétaire général de l'ONU a lui-même appelé jeudi les Etats-Unis à s'assurer que leurs policiers répondent davantage de leurs actes. Toutefois, les policiers de Ferguson et de New York ne sont pas à l'abri d'autres poursuites. Eric Holder a en effet ouvert deux enquêtes fédérales pour déterminer si les droits civiques des victimes avaient été violés. Depuis Atlanta (Géorgie, sud-est), la ville natale de l'icône des droits civiques Martin Luther King, le ministre avait promis lundi de "nouvelles règles rigoureuses --et des garde-fous solides-- pour aider à mettre fin au délit de faciès, une bonne fois pour toutes". Le président Barack Obama a proposé d'équiper davantage de policiers de caméras embarquées. 'Erreur judiciaire' Ces propositions n'ont pas calmé la colère de la mère d'Eric Garner. "Comment pouvons-nous avoir confiance dans notre système judiciaire quand ils nous déçoivent à ce point ?", s'est indignée Gwen Carr, plusieurs élus locaux noirs dénonçant une "erreur judiciaire".