Une foule repliée vers l'hôtel de Saint Louis campe sur le refus de la discrimination et du déni de justice incarné par la décision du jury populaire invoquant la légitime défense pour le policier blanc, Darren Wilson, déclarant avoir « bonne conscience » et victime d'un coup porté au visage par le jeune Noir désarmé coupable de délit de fuite. Pour l'avocat de la famille du jeune Noir, Benjamin Crump, pointant les défaillances du « système (judiciaire) cassé », les « relations de proximité » entre le procureur, dont le père policier a été tué par un Noir, et la police locale ont pesé sur le procès caractérisé par des contradictions relevées dans le témoignage de l'accusé qui n'a pas été soumis à aucun contre-interrogatoire. « On ne nous fera pas taire », lit-on dans une pancarte brandie par une foule en colère repliée vers l'hôtel de ville vivant sa deuxième nuit tout aussi agitée. La flambée de violence, perceptible dans les grandes villes en ébullition, conforte le malaise grandissant de l'Amérique loin de solder le vieux contentieux du racisme ordinaire. « Dans toute l'Amérique, à New York, à Los Angeles, en Californie, à Cleveland, les jeunes garçons de couleur sont tués par les policiers », a déploré l'avocat de la famille de la victime. A Cleveland (Ohio, nord), des manifestants ont défilé, mardi, pour protester contre la mort d'un garçon noir de 12 ans, tué le week-end dernier par un policier alors qu'il manipulait une arme factice. Le déni de justice mobilise une foule, massée devant le siège de la police de Los Angeles en « die in » et encore marquée par l'affaire similaire de Rodney King dont le passage à tabac par quatre policiers acquittés avait déclenché des émeutes en 1992, pour crier son ras le bol des « minorités face aux injustices policières ». Partout ailleurs (CNN en a dénombré 170 villes dans 37 Etats sur les 50), les rassemblements déclarés illégaux par les autorités font craindre la spirale de la violence dénoncée par le président Obama. « Brûler des bâtiments, mettre le feu à des voitures, détruire des biens, mettre des gens en danger, il n'y a aucune excuse pour cela, ce sont des actes criminels », a-t-il déclaré à Chicago. Et, s'il reconnaît qu'il existait au sein de nombreuses communautés le sentiment que « les lois ne sont pas toujours appliquées (...) de façon équitable », il a toutefois estimé qu'il « existe des moyens constructifs d'exprimer ses frustrations ». Le durcissement, générant une gestion musclée du drame de Ferguson, est assurément l'expression de la crise des droits civiques qui constituent pourtant le credo du premier Président noir des Etats-Unis rattrapé à mi-mandat par les vieux démons de la ségrégation raciale. Au banc des accusés, l'Amérique des valeurs démocratiques et des droits de l'homme est interpellée. Outre l'indignation de la garde des Sceaux française, Christiane Taubira, la Russie s'est à son tour élevée sur les manquements aux principes universels régissant les libertés fondamentales. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères russe a souligné que « les derniers événements à Ferguson sont un nouveau signal très préoccupant envoyé aux autorités américaines indiquant qu'il est enfin temps pour elles de résoudre les énormes problèmes intérieurs dans le domaine du respect des droits de l'homme ».