L'incertitude règne au Yémen après le nouveau report d'une réunion du Parlement prévue dimanche pour examiner la démission du président Abd Rabbo Mansour Hadi alors que les manifestations se poursuivent contre la mainmise des miliciens chiites sur la capitale Sanaa. La démission du chef de l'Etat annoncée jeudi soir, peu après celle du gouvernement de Khaled Bahah, a été rejetée par le Parlement qui devait se réunir vendredi pour se prononcer sur cette question. Mais cette réunion a été reportée à dimanche et repoussée ensuite à une date ultérieure afin, a-t-on expliqué, de "s'assurer que tous les membres soient informés pour y participer". M. Hadi, 69 ans, au pouvoir depuis 2012, a expliqué sa décision de quitter son poste par le fait que le Yémen était "dans une impasse totale" suite à la prise du palais présidentiel par la puissante milice chiite des Houthis, qui a renforcé son emprise sur Sanaa. Pour sa part, le chef du gouvernement a justifié sa démission par le fait qu'"il veut éviter ainsi que les membres de son cabinet puissent être considérés comme responsables de ce qui se passe et de ce qui se passera au Yémen". Il a estimé avoir tenté de servir le pays depuis sa nomination le 7 novembre 2014 et le vote de confiance du Parlement le 18 décembre. "Mais la situation a évolué dans une autre direction et nous avons décidé de nous tenir à l'écart des aventures politiques qui ne respectent aucune loi", a-t-il ajouté. Grand rassemblement anti-Houthis La crise au Yémen s'est aggravée davantage après la prise récemment du palais présidentiel par la milice chiite d'Ansarullah, qui contrôle Sanaa depuis le 21 septembre 2014. Les miliciens d'Ansarullah réclament plus de poids dans les institutions de l'Etat et contestent le projet de Constitution prévoyant de faire du Yémen un Etat fédéral avec six régions. En signe de leur présence depuis plus de quatre mois dans la capitale, des milliers de personnes ont participé à une grande manifestation anti-Houthis à Sanaa. Les manifestants ont défilé vers la résidence du président Hadi pour lui signifier qu'ils refusaient sa démission. D'importantes manifestations ont également eu lieu dans les villes de Taëz (sud-ouest), d'Ibb (centre) et d'Hodeida (ouest). Les Houthis ont tenté d'empêcher cette marche à Sanaa, avant de renoncer devant le nombre important de participants à cette manifestation qui a été décrite comme la plus imposante depuis leur entrée dans la capitale. Contrairement à la veille, les miliciens chiites ont tiré en l'air pour disperser dimanche un début de manifestation hostile devant l'Université de Sanaa, selon des témoins cités par des médias. Selon ces sources, des blessés figurent parmi les manifestants et plusieurs arrestations ont été opérées par ces miliciens chiites. Aucun bilan précis de ces incidents n'a pu être communiqué pour le moment. Troubles dans le Sud Profitant du chaos qui règne dans le pays, des éléments du Mouvement sudiste, qui luttent pour que cette région redevienne indépendante comme ce fut le cas en 1990, ont pris six points de contrôle à Ataq, chef-lieu de la province de Chabwa, sans rencontrer de résistance des forces de l'ordre, selon des témoins cités par des médias. "Nous avons établi des points de contrôle pour protéger la ville contre les attaques des Houthis ou d'Al-Qaïda", a expliqué Hussein al-Wahichi, le chef des "comités populaires", formés notamment de membres de tribus ayant combattu dans le passé le réseau extrémiste. Signe de la complexité de la situation, la lutte contre Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) est un leitmotiv récurrent du discours des Houthis, invoquée pour justifier leur expansion territoriale, selon des analystes. Outre l'anarchie politique et les violences, le pays est au bord d'une catastrophe humanitaire. Oxfam a ainsi averti que 16 millions de Yéménites, soit plus de la moitié de la population, ont besoin d'aide. "Une crise humanitaire aux proportions extrêmes menace le pays si l'instabilité continue", a souligné l'organisation d'aide dans un communiqué.