L'un est fort en gueule, globe-trotter, l'autre est plus discret et a effectué l'essentiel de sa carrière en Bretagne: tout oppose Hervé Renard et Christian Gourcuff, adversaires à la tête de la Côte d'Ivoire et de l'Algérie, dimanche (19h30 GMT) en quart de finale de la CAN-2015. Difficile de trouver des points communs aux deux techniciens français, hormis leurs positions actuelles de sélectionneurs de deux des équipes les plus prestigieuses d'Afrique. Et sans doute cette passion commune pour une discipline qu'ils ont longtemps pratiquée avant de basculer sur le banc de touche. Pour le reste, les deux personnages sont à mille lieux l'un de l'autre et les valeurs sur lesquelles ils s'appuient ne sont guère semblables. Obscur défenseur passé par Cannes, Vallauris et Draguignan, Renard (46 ans) est un véritable meneur d'hommes, une qualité devenue marque de fabrique depuis qu'il a embrassé la fonction d'entraîneur, d'abord à Draguignan avant de se placer sous le haut patronage de Claude Le Roy et d'entamer son tour du monde. La Chine (Shanghai) et l'Angleterre (Cambridge) lui ont servi de marche-pied dans l'ombre de son glorieux aîné avant de s'enraciner en Afrique à partir de 2007. C'est là, avec la Zambie en 2012, qu'il s'est définitivement fait un nom en soulevant à la surprise générale le trophée continental à Libreville. Il avait alors parfaitement su utiliser le souvenir douloureux du crash aérien de 1993 qui avait décimé l'équipe zambienne dans la capitale du Gabon pour faire d'une formation de second rang une machine indestructible. Les Chipolopolos avaient terrassé un à un tous les favoris du tournoi (Sénégal, Ghana, Côte d'Ivoire) pour s'offrir la première CAN de leur histoire. La planète football avait fait connaissance avec sa chemise blanche immaculée et son sourire carnassier mais découvert aussi un technicien exigeant avec ses troupes, amoureux du jeu et de la technique, comme Gourcuff, mais ne concevant pas le plaisir sans rigueur. Une philosophie résumée en une phrase samedi: "Il faut tout donner, être très concentré, discipliné mais avoir aussi une confiance énorme en soi". Le spécialiste contre le novice Le plus dur commence pour le Français puisqu'il doit désormais prouver qu'il a l'étoffe pour guider une équipe attendue à chacune de ses apparitions. Mais, toujours aussi sûr de lui, il balaye toute idée de tension: "Je n'ai pas de pression, je viens de très très loin. C'était mon objectif de me retrouver ici et ce n'est pas encore fini". Le même challenge attend Gourcuff. Mais la comparaison s'arrête là entre les deux hommes. Si Renard a été à la tête d'une entreprise de nettoyage avant de parcourir le monde, Gourcuff, ancien professeur de mathématiques, passe lui pour un intellectuel, adepte du maître tacticien de l'AC Milan Arrigo Sacchi (1987-1991). Le père de Yoann, ancien milieu offensif (59 ans) notamment à Rennes, Guingamp et Lorient, est un esthète, qui n'a que modérément goûté les pelouses bosselées de Mongomo où l'Algérie a disputé deux rencontres du 1er tour. Mais il doit s'y faire depuis qu'il a décidé de couper le cordon avec la Bretagne en 2014 après avoir notamment dirigé Lorient durant 25 ans cumulés (1982-1986, 1991-2001, 2003-2014). Lui dont le nom reste étroitement associé aux Merlus découvre un nouveau continent, une nouvelle approche de son métier où le moindre écart peut être fatal, loin de la stabilité qu'il a vécue à Lorient. Alors que Renard arpente l'Afrique depuis sept ans et dispute sa cinquième CAN (dont 1 en tant qu'adjoint de Le Roy au Ghana), Gourcuff entrevoit petit à petit les spécificités d'une Coupe d'Afrique, sans toutefois se départir de cet air professoral qui peut parfois agacer. "On m'a accusé de ne pas connaître le football en Afrique mais il n'y a pas de football africain, il y a le football c'est tout, explique-t-il. Quand on connaît le football, on est capable de s'adapter partout." A lui de le prouver dimanche.