Quotidiennement, les internautes algériens et vraisemblablement d'ailleurs aussi reçoivent sur leurs boîtes mail ou sur leurs messageries privées de réseaux sociaux des propositions qui auraient pu les faire sauter de joie. De cette joie que manifestent ceux qui viennent de toucher le gros lot. Parce que ces messages leur annoncent… sans autre forme de procès, qu'ils viennent de gagner un ou plusieurs millions de dollars parce que leur email a été «sélectionné» sur des dizaines de millions d'autres, qu'ils viennent de remporter le grand prix d'un concours auquel ils n'ont jamais participé ou gagné à une loterie à laquelle ils n'ont pas joué. Mais ceux qui touchent le gros lot savent au moins qu'ils ont parié ! Et une fois passée la drôle de surprise qui vous fait dire «pourquoi pas» ou «de toute façon, on ne perd rien à essayer», on se rend compte assez vite qu'on est face à la petite escroquerie ordinaire. De l'autre côté de l'écran, on se dit à peu près la même chose. Les messages sont envoyés à des millions de destinataires dans le monde et il y a toujours quelques-uns d'assez naïfs pour tomber dans le jeu ou assez cupides tenter leur chance. En fait, les procédés sont simples et se ressemblent presque tous. On vous jette l'appât du gain facile, voire providentiel, et on vous installe dans un processus qui finit toujours par vous soustraire une petite somme censée régler des frais de procédure, puis on vous laisse sur le carreau pour aller dépenser votre «contribution». Ni merci, ni au revoir. Voilà pour la petite escroquerie ordinaire qui se pratique à l'échelle industrielle et planétaire parce qu'elle part également du bon vieux principe qui dit que plus c'est gros, plus ça a des chances de passer. Mais il y a des arnaques un peu moins grosses. D'abord parce qu'elles semblent choisir leurs cibles. Celles-là ne doivent pas émaner de la même personne mais elles se ressemblent toutes. C'est toujours une veuve africaine éplorée. Elles ont toutes été mariées à des ministres ou des militaires haut gradés qui ont eu maille à partir avec la hiérarchie politique de leur pays, et une fois morts, généralement assassinés ou dans de douteux accidents d'avion, ils ont tous la particularité de laisser derrière eux de grosses fortunes dans des comptes bancaires gardés au secret. Les veuves - ou parfois les filles - de ces personnalités disparues se retrouvent donc, selon un scénario répétitif en exil, malades ou sans soutien solide, mais à la tête d'une fortune dont elles ne savent jamais quoi faire. Elles décident alors de s'adresser aux perspicaces Algériens qui ont toujours plus d'un tour dans leur sac ! Elles leur font le discours de la parfaite victime, riche mais perdue, elles saupoudrent leur grand discours avec un mélange de remords, de morale et de piété, puis se lancent : on veut bien investir une grosse somme dans votre pays et on a besoin d'un partenaire local qui puisse prendre les choses en main ! Mais la grande particularité de ce procédé est ailleurs. Ce n'est peut-être pas par hasard qu'il est destiné prioritairement, à moins que ce ne soit exclusivement, aux Algériens. Ça leur rappelle plein de choses. Tous les pontes du régime lèguent une grosse fortune aux leurs quand ils viennent à passer de vie à trépas, leur mort est toujours suspecte et leurs héritiers leur découvrent toujours une âme d'opposant quand ils ne sont plus là ! Alors que l'arnaque sur internet marche ou ne marche pas, elle leur ressemble un peu. Peut-être un peu trop pour ne pas être tentante.