Mercredi 13 mai 2009, aux alentours de midi, nous sommes à l'intérieur de la résidence universitaire d'Ihaddaden de Béjaïa. A première vue, tout paraissait normal. L'administration fonctionnait normalement, les agents de sécurité vaquaient à leurs occupations, des étudiants attendaient l'ouverture du réfectoire, d'autres discutaient en groupe, bref, il y avait une ambiance que l'on pourrait qualifier d'habituelle. Celle de la vie de tous les jours dans une cité universitaire. Pourtant… Une semaine plus tôt, soit le 6 mai, entre 10h et 11h, dans l'infirmerie de cette résidence, un homme succomba à ses blessures, après avoir reçu, selon des recoupements, des coups de couteau en pleine cage thoracique. Il s'agit de Salim S., 47 ans, médecin de la résidence. Une rixe l'aurait opposé, à l'intérieur de l'infirmerie, au directeur de l'administration générale (DAG), Lakhder B., 45 ans, le présumé assassin. Les deux hommes se sont lardés à coups d'objets tranchants pour des raisons inconnues. Bilan : 1 mort, le médecin, et un blessé, le DAG. Celui-ci ayant reçu à son tour plusieurs coups, notamment au dos, a été transporté à l'hôpital Khelil Amrane où il reçoit les soins sous une surveillance policière. L'incident a créé un climat de psychose dans la résidence, en ce fatidique 6 mai. Alors que des étudiants se concertaient, dans la matinée, sur les actions à entreprendre afin d'exiger la libération de leur collègue, arrêté par les services de sécurité à Chlef, lors d'un tournoi interuniversités de football, «des cris stridents fusaient de devant l'infirmerie», témoigne F. G., 25 ans, étudiant en économie. «Je suis sorti, poursuit-il, j'ai vu des étudiants choqués, qui criaient à la vue du cadavre du médecin, transporté vers l'ambulance… Un agent de sécurité avait perdu connaissance, tellement il était choqué par ce qui s'est passé», dit-il. Le jour du drame, témoignent des étudiants, c'était le choc et la consternation et surtout l'incompréhension. «Deux hommes instruits en sont arrivés là» «Comment se fait-il que deux hommes aussi instruits en sont arrivés là ?», s'interrogent-ils. L'atmosphère était très lourde, relatent-ils. L'endroit est devenu maudit, insupportable. Le directeur des œuvres universitaires (DOU) a ordonné de fermer le resto jeudi et vendredi. Les étudiants ont été pris en charge pour la restauration par les autres résidences. C'était comme pour fuir un lieu frappé par la malédiction. L'infirmerie était fermée depuis le jour de l'incident. La voiture du médecin tué, une Volkswagen de couleur bleue foncée, était toujours garée devant l'infirmerie. Prié de donner ses impressions sur ce qui s'est passé, le directeur de la résidence, M. Hessas, a refusé catégoriquement tout commentaire. «Je n'ai rien à vous déclarer», serine-t-il devant notre insistance. Une réaction, au demeurant, compréhensible, du moment que l'affaire est très grave et personne ne voudrait s'y mêler. Personne dans l'entourage ne veut témoigner. A la cellule de communication de la police centrale de Béjaïa, on nous «sert» la ritournelle «l'enquête est en cours». Toutefois, nous saurons, au moins, que les parties (le meurtrier présumé et la famille de la victime) ne se sont pas encore présentées au parquet, d'où la difficulté d'avoir d'amples informations fiables. «Nous ne révisons pas convenablement» Une semaine après le drame, les résidents de la cité universitaire d'Ihaddaden tentent de ne pas trop revenir sur l'incident et surtout de se concentrer sur leurs études. Cependant, cette expérience traumatisante pour eux n'est pas sans conséquences sur leur vie d'étudiants en particulier. Les répercussions sont à telle enseigne que des étudiants n'arrivaient pas à se concentrer sur leurs révisions, comme en témoigne B. S., 24 ans, étudiant en biologie : «Nous avons des examens à passer au mois de juin, mais nous n'arrivons pas à réviser convenablement. Nous sommes toujours sous le choc.» Ses 3 copains de chambre abondent dans le même sens. Il faudra, certainement, du temps pour que les choses rentrent dans l'ordre. Toutefois, toute la communauté universitaire de Béjaïa prie de toutes ses forces pour que ce genre de drame ne se reproduise plus jamais.