Le siège du rectorat fermé depuis trois semaines, le recteur et ses adjoints interdits d'accès dans leurs bureaux, quatre étudiants en grève de la faim, grève générale des étudiants en langue et littérature françaises, etc. C'est au moment où le ministre de l'Enseigne- ment supérieur et de la Recherche scientifique espérait le retour des professeurs et chercheurs installés à l'étranger que la situation de l'université algérienne s'enlise. La situation n'est guère reluisante à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Une tournée, hier, dans le campus de Hasnaoua, montre que le malaise est général. En voulant s'enquérir du point de vue des responsables de l'université, un agent d'accueil au rectorat nous a indiqué qu'aucun responsable n'est présent sur les lieux puisque depuis trois semaines, les étudiants de la faculté de droit de Boukhalfa occupent les bureaux jour et nuit. Un nombre interminable de problèmes est déploré par les étudiants. Ces derniers parlent de surcharge dans les amphis, de problèmes de bibliothèque, d'agressions contre les étudiants à l'intérieur et à l'extérieur du campus... Le problème d'insécurité semble constituer la goutte ayant fait déborder le vase. Les représentants des étudiants, rencontrés devant l'entrée principale du siège du rectorat, soulignent qu'«au lieu de satisfaire les revendications posées par le comité, les responsables n'ont pas trouvé mieux que de remplacer les agents de la Fonction publique par une société de gardiennage privée, voulant ainsi l'imposer de manière unilatérale sans aucune consultation des représentants». Les concernés estiment que la sécurité des étudiants est un service tellement sensible qu'il doit être à la charge et sous le contrôle de l'administration universitaire et non pas à la charge d'une société extra-universitaire «qui coûtera encore plus cher». La faculté de droit, avec ses 8000 étudiants, est donc paralysée depuis un mois, et ne sont autorisés à accéder aux locaux du rectorat que les travailleurs du service finances, en charge d'établir les paies. Des intermédiaires ont été dépêchés pour tenter de dénouer la crise, en vain car les étudiants exigent des engagements écrits de la part des responsables de l'université. Au sujet des rumeurs faisant état de manipulations de la part des partis politiques à la veille de l'élection présidentielle, les représentants des étudiants sont fermes: «Nous nions ces rumeurs et nous les dénonçons avec la plus grande vigueur», affirme Sofiane, délégué et étudiants en 3e année de droit. Des médecins au chevet des grevistes de la faim Au moment de notre arrivée au milieu de l'après-midi, des médecins étaient en train d'ausculter les quatre étudiants du département de français, à l'intérieur du bureau du chef de département. Les médecins assurent que pour l'instant, leur état de santé est loin d'être alarmant. Les grévistes ont entamé leur mouvement depuis six jours. Des matelas étaient étalés à même le sol. «C'est ici qu'ils passent la nuit», précise un étudiant, présent dans le bureau. Pour se solidariser avec les grévistes de la faim, une grève d'une journée a été observée, hier, par les 1800 étudiants du département de français. Un rassemblement a été organisé dans la matinée par les universitaires. A l'origine de cette grogne, une plate-forme de revendications remise depuis le 8 novembre 2008 au chef de département et sans prise en charge à ce jour, explique Mouloud, l'un des quatre étudiants en grève de la faim. Concernant le département de français, et hormis la journée d'hier, la pédagogie n'a pas été perturbée. Les étudiants contestataires ont dénoncé l'absence de réaction des responsables de l'université. Devant la mainmise des étudiants sur le campus, il nous a été impossible de joindre un quelconque responsable pour avoir la version de l'administration. La grève est à sa troisième semaine Au centre universitaire de Bouira, les étudiants ne décolèrent toujours pas. Cela fait deux semaines que les cours sont suspendus et le mouvement de protestation risque de se poursuivre et prendre un nouveau tournant. Une commission ministérielle dépêchée la semaine écoulée, s'est réunie avec toutes les parties. Les décisions qui devraient être prises n'ont pas encore été communiquées. Dans l'attente, les protestataires ne comptent pas lâcher prise jusqu'à ce que tous les points soulevés soient réglés. «La protestation continue jusqu'à la publication des résultats de la commission», a déclaré un représentant d'un comité, lequel nous a affirmé qu'une assemblée générale de tous les comités et organisations estudiantins a eu lieu dans la matinée d'hier, au niveau du campus. Résultat: l'ensemble des étudiants s'affiche pour le maintien de la grève. En attendant, la situation peine à connaître un dénouement. Tous les départements sont paralysés. Ainsi, les examens qui devaient avoir lieu la semaine dernière, ont été annulés, à la suite de ce mouvement de grève. En tout, ce sont sept comités et organisations estudiantins qui ont déclenché la grève. Une première du genre depuis l'ouverture de ce centre. Argumentant leur action par des revendications, ils font état de plusieurs anomalies qui continuent de sévir au niveau du campus et résidences universitaires. Les conditions dans lesquelles vivent les étudiants se dégradent continuellement. Les représentants des comités s'accordent à dénoncer l'absence des commodités, que ce soit au niveau des résidences, ou au sein du campus. A commencer par l'absence de sécurité dans les cités universitaires. En outre, les protestataires ont révélé qu'au niveau de la cité des filles, les agents avaient appréhendé, il y a quelques semaines, un jeune délinquant à l'intérieur de la résidence. Autre fait représentant un danger réel aux yeux de ces comités, il s'agit de la résidence des garçons des 140 Logements, dont le restaurant se trouve au rez-de-chaussée de l'immeuble, un emplacement dangereux pour les étudiants qui craignent un incident éventuel. Une simple fuite de gaz pourrait provoquer des dégâts irréparables. Aussi, ils demandent l'ouverture du restaurant central au niveau du campus, dont la mise en service a été prévue pour le mois de décembre de l'année dernière. Comme ils demandent un transport digne des étudiants, en faisant savoir que les bus qui sont actuellement à leur disposition sont vêtustes. Devant une situation qui ne cesse de s'aggraver, les représentants des comités et organisations estudiantins comptent aller loin dans leur protestation, dans la mesure où la solution mettrait encore du temps à venir. Aussi, ils menacent de recourir à une grève de la faim comme ultime solution, a-t-on souligné.