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«L'Egypte n'est pas menacée par Daech, mais c'est l'existence de l'Etat libyen qui est en jeu» Chérif Amir, chercheur égyptien, docteur en géopolitique du Moyen-Orient à l'université Paris VIII, au Temps d'Algérie :
Le Temps d'Algérie : Quelle évaluation faites-vous de la situation sécuritaire actuelle en Libye ? Cherif Amir : Tout d'abord, je tiens à saluer le courage et la foi solide des 21 martyrs coptes chrétiens qui ont fait face à la mort sans peur. Sans doute, la Libye est en crise grave et je répète les propos du président égyptien Al Sissi. Après la guerre de l'Otan contre la dictature de Kadhafi, le peuple libyen a été abandonné aux griffes des milices islamistes. Le résultat est que le peuple libyen est pris en otage par les divers groupes armés. Une intervention militaire étrangère ne ferait-elle pas, selon vous, le jeu de l'organisation terroriste Daech ? L'Algérie est intervenue à plusieurs reprises (sans le déclarer bien sûr) par voie terrestre, pour repousser le danger loin de son territoire. L'Egypte a fait pareil, lorsque l'intégrité et la souveraineté du pays et de son peuple sont menacées. La réaction doit être ferme et rapide.
Quelle serait la position de l'Egypte vis-à-vis d'une éventuelle intervention militaire ? L'Egypte fera tout pour aider la reconstruction de la Libye et notamment son armée. C'est la raison pour laquelle l'embargo imposé sur l'armée libyenne doit être levé immédiatement pour que le pays puisse, en premier lieu, faire face aux menaces des milices avant une intervention militaire extérieure qui sera facilitée sur le terrain, par une armée libyenne bien équipée et capable de défendre son territoire.
L'Egypte a d'abord appelé à une intervention militaire de la communauté internationale avant de prôner la non-ingérence en Libye. Pourquoi ce changement de position ? Je ne vois pas de contradictions. Il est important pour le lecteur de comprendre la relation solide entre les deux peuples égyptien et libyen. Toute forme d'action militaire va dans l'intérêt du peuple libyen qui mérite une vie stable et sécurisée. Et cela est la priorité de l'Etat égyptien. L'intervention militaire égyptienne a été exécutée en coordination directe avec l'armée libyenne et accueillie avec soulagement par le gouvernement libyen légitime qui est reconnu par les instances internationales.
L'Egypte est aujourd'hui menacée par Daech. Quel serait le degré de menace ? Non, l'Egypte n'est pas menacée par Daech, mais c'est l'existence de l'Etat libyen qui est menacée. La préoccupation de l'Egypte est «l'afghanisation» de la Libye. Actuellement, la Libye est devenue un lieu de refuge de tous les djihadistes qui ont déjà combattu en Irak et en Syrie. En Egypte, il n'y a que les Frères musulmans qui soutiennent l'EI (Etat islamique) mais ils sont impuissants, non pas grâce aux frappes sécuritaires uniquement mais parce que les Egyptiens, les musulmans et les coptes, sont tous hostiles à cette idéologie et soutiennent leur armée.
Comment la Libye est-elle arrivée à cette situation et comment rétablir la sécurité et la stabilité dans ce pays ? Les frappes de l'Otan visaient à anéantir la dictature de Kadhafi. La question qui s'impose est : pourquoi l'embargo d'armement n'a pas été levé pour permettre à l'armée libyenne d'être équipée comme l'a fait l'Occident avec l'armée irakienne après la chute de Saddam Hussein ? La solution réside dans la reconstitution de l'armée libyenne sous le commandement du général Khalifa Haftar mais aussi l'armer et l'équiper tout en la soutenant avec des frappes militaires ciblées, comme cela était le cas du temps de Kadhafi.