Les chercheurs en rêvent depuis longtemps : cloner un animal disparu de la surface de la terre. Lyuba, une femelle âgée d'à peine un mois, découverte par un éleveur de rennes Nenet, en parfait état de conservation, leur offre là l'occasion espérée. C'est le plus beau spécimen de bébé mammouth découvert dans le monde depuis deux siècles, un livre d'histoire d'une grande précision. Sa découverte extraordinaire est celle de Yuri Khudi, un des 41 000 Nenets qui peuplent la région de Iamal, une péninsule de la Sibérie septentrionale. Alors qu'il a amené son troupeau de rennes se désaltérer dans une rivière lointaine, il aperçoit une tache sombre sur le bord de la rive enneigée. Il croit tomber sur une nourriture inespérée dans cette toundra glaciale. L'animal, couché sur le flanc, lui semble être un éléphant à l'air vivant. Il était loin de se douter qu'il s'agissait d'un mammouth. Petit, sans poils ni défenses, l'animal présentait les caractéristiques principales des pachydermes préhistoriques déterrés dans la région. La découverte plonge Yuri dans une intense réflexion. Parfaitement au courant des directives des services du gouvernement concernant les fragments de mammouth excavés régulièrement du permafrost, l'éleveur de rennes décide de laisser sur place sa découverte, non sans informer sa famille. Conseillé par son fils d'avertir l'administration locale, cette dernière affrète un hélicoptère pour survoler avec lui la région. Mauvaise surprise, la dépouille avait disparue de son emplacement. Les investigations se poursuivent au village voisin où, miracle, Yuri retrouve son «bébé» mammouth, à l'entrée de l'épicerie locale. La merveille est reprise pour être enfin placée en chambre froide. Mais reste une énigme : comment l'animal a pu ressortir de terre et se retrouver «posé» au bord d'une rivière ? Dans toute la Sibérie, un seul homme pouvait apporter une explication. Il s'appelle Bernard Buigues, un Français mondialement connu comme le découvreur de mammouths et qui jouit d'une confiance totale auprès des Russes. Faire revivre le mammouth grâce aux cellules sanguines Comme sortie d'un écrin, l'espèce bien conservée possédait encore la trompe, les lèvres et les coussinets. Le bébé pachyderme est d'autant plus précieux qu'il n'a jamais été décongelé. «Nous allons pouvoir reconstituer son génome complet, s'enthousiasme Bernard Buigues. Dans un délai de cinq à dix ans, nous aurons la possibilité de le faire revivre grâce aux cellules sanguines qu'on va retrouver et exploiter.» Une aventure scientifique des plus exaltantes et de grand intérêt, car elle va permettre de mieux comprendre les mécanismes de clonage des espèces disparues et d'affiner les techniques de reproduction des animaux en voie d'extinction. Concernant notre mammouth, il serait très facile de lui recréer un environnement favorable et de l'observer. Qui n'aurait pas envie de voir évoluer un mammouth mort il y a plus de quarante mille années ? De le voir bondir dans la neige ! Une illusion aujourd'hui, une réalité demain, peut-être. Restait à Bernard Buigues de savoir comment le bébé mammouth a été amené jusqu'à l'endroit où il a été trouvé par Yuri. Yuri lui parle alors de l'aventure de Nicolaï. C'est lui qui a découvert le mammouth, encastré dans la falaise. Après l'avoir extrait, il le charge sur son traîneau mais, au bout de 800 mètres, il s'arrête et réfléchit aux conséquences de son acte, lourdement puni par l'administration. C'est ainsi qu'il décide d'abandonner le bébé là où Yuri le retrouvera six ou huit mois plus tard. Une année après, personne ne sait encore avec certitude comment la jeune femelle mammouth, celle qu'on appelle désormais Lyuba (du nom de la femme de Yuri...), a ainsi pu traverser quasi-intacte les siècles pour arriver jusqu'à nous, comme si elle était morte hier. Actuellement, le spécimen se trouve à la faculté de médecine de l'université Jikei à Tokyo où il a été scanné. Sa conservation s'est avérée remarquable. Des échantillons de tissus ont été envoyés aux Pays-Bas pour une datation au carbone 14 qui révéla que le jeune animal était mort il y a 40 000 ans. L'analyse de son ADN bien préservé a révélé qu'il appartenait à une lignée de mammouths distincte de celle de Mammuthus primigenus qui, quelque temps plus tôt, avait été remplacée par une autre lignée de mammouths qui, provenant d'Amérique du Nord, migra en Sibérie