Violés, violentés physiquement, torturés moralement, rudoyés sans pitié, abusés cyniquement, contraints et forcés, maltraités, tourmentés, tyrannisés… C'est le calvaire vécu entre 1936 et 2000 par 35 000 enfants irlandais. Un chemin de croix pour tous ces orphelins, ces petits délinquants, ces enfants illégitimes des amours interdites, ces bébés abandonnés qui furent confiés à des femmes et des hommes d'Eglise d'Irlande qui en abusèrent à merci…! 250 institutions catholiques irlandaises sont concernées par ce scandale sur lequel Benoît XVI, si prompt à interdire le préservatif, ne s'est pas encore prononcé. Le Vatican n'a pas condamné et pourtant, si ce n'est pas le premier scandale qui entache l'Eglise, c'est en tout cas le plus spectaculaire ! Il a fallu d'énormes pressions et neuf années d'enquêtes fastidieuses qui ont abouti à un rapport de 2500 pages, qui incriminent sans détour les 250 institutions catholiques concernées. Ces données effarantes salissent de nouveau l'Eglise catholique et pointent un doigt accusateur sur l'omerta qui règne au Vatican… Alors qu'Hitler se prépare, des centaines d'innocents abusés en Irlande 1936… Alors que se déroulent en été les Jeux olympiques de Berlin pendant le IIIe Reich et qu'Hitler – après l'arrivée au pouvoir du parti nazi, trois ans auparavant – veut en profiter pour montrer sa toute puissance, le monde est loin de s'imaginer ce qui se passe déjà dans les «geôles» et les «cellules» des monastères et cloîtres irlandais… Le rapport officiel est accablant. Il démontre que les enfants sans défense n'étaient «qu'un numéro» pour leurs «tuteurs» qui les «utilisaient» à leur guise. On peut imaginer qu'entre 1936 et 1945, justement, alors que la guerre faisait rage sur tous les fronts de l'Europe, alors qu'un «holocauste» était pratiqué, de jeunes garçons et jeunes filles vivaient en terre d'Irlande, une situation sinon similaire du moins des plus horribles… Et d'autant plus condamnable que ces enfants étaient confiés à la garde de l'Eglise et que les tortionnaires étaient tous des ecclésiastiques membres des religieux des «frères chrétiens» pour les établissements des garçons et des «Sœurs de la miséricorde» pour les filles… Mais le plus surprenant ? C'est quand on apprend l'incroyable indifférence des autorités religieuses et de l'Etat irlandais, notamment le ministère de l'Education nationale. Une omerta digne de la mafia… C'est cette omerta, cette complice et criminelle loi du silence, qui a probablement permis aux «fous de Dieu catholiques» de perpétrer leur ignoble besogne, sans être inquiétés et de la pratiquer en toute impunité surtout. Tout ce que risquaient ces tortionnaires, c'était une autre affectation, dans un autre couvent… Et là, tout recommençait, de nouveau. De tout temps et en tout lieu, il y eut des actes condamnables comme ceux qui nous interpellent aujourd'hui. Depuis des temps immémoriaux. Mais si la plupart d'entre eux, une fois connus sont jugés et leurs auteurs condamnés ; au sein de l'Eglise catholique, ce sujet a toujours été tabou. Il fallait étouffer – et cette attitude se poursuit encore de nos jours – coûte que coûte le scandale. Ce qui était facilité par le silence gêné, la honte et la peur des victimes dont la plupart n'étaient pas prises au sérieux, voire étaient violemment accusées de tous les vices… Cette impunité presque acquise a permis à des «malades pédophiles» de poursuivre leurs agressions dans des lieux couverts par la morale d'une bible toute puissante et par la raison d'un statut exempt de tout soupçon. Alors qu'au-dehors des murs des couvents, les pédophiles sont traqués sans pitié. Dutroux, Fournirez et consorts sont-ils différents ? Tout le monde se rappelle ces monstres qui ont fait l'actualité, en Belgique et en France notamment. Des lois nouvelles furent votées, des ministres ont sauté et des manifestations, en Belgique notamment, jamais organisées auparavant, ont sonné le glas de ces pratiques odieuses qui s'en prennent à l'innocence. Qu'est-ce qui différencierait alors un Fournirez ou un Dutroux d'un prêtre en soutane ou d'une sœur égrenant son chapelet et violentant, qui un jeune garçon, qui une fillette ? Ils sont tout autant condamnables, sinon plus du moment qu'ils sont censés représenter la morale et suivre le chemin du Christ auquel ils ont confié leur vie… Le scandale qui secoue l'Eglise en Irlande est plus qu'une catastrophe. Il reflète le marasme d'une Eglise qui se perd en conjectures dès qu'il s'agit de réformer, de rénover, d'aller de l'avant. Une Eglise qui perd de plus en plus de crédibilité, de disciples et surtout de fidèles qui s'orientent, en Europe en Amérique, en Asie et en Afrique vers d'autres sources de spiritualité. Aujourd'hui, l'Etat irlandais, après moult dérobades dues notamment aux pressions d'une église trop puissante en cette île, a pris ses responsabilités. Malgré tous les préjugés, le poids des traditions et les conséquences de cette action, l'Irlande se réconcilie peu à peu avec ses enfants. Des enfants sous tutelle, outragés. Une «amana» qui a été confiée à ceux que l'on considère comme étant les meilleurs gardiens du «Temple» et qui, malheureusement, ont trahi et leurs principes et les préceptes de leur religion. Des «Frères chrétiens» et des «Sœurs de la miséricorde» qui, sans aucune pudeur, «ont tout fait pour empêcher et ralentir» les travaux des commissions d'enquête. A tel point qu'en 2004 – ce scandale a éclaté déjà en 1990 – «les Frères chrétiens» ont obtenu de la justice la garantie qu'aucun nom de victime et surtout de frères coupables de violences ne soient publiés. Toute possibilité de poursuites judiciaires était de fait supprimée. «Et voilà comment la puissance de l'Eglise catholique s'exerce sur un Etat et des institutions» démocratiques «et use de pratiques semblables à celles de la mafia… Il est vrai que l'Etat s'est engagé à verser des indemnités – plus d'un milliard d'euros ! – aux victimes des abus sexuels, en contrepartie de s'engager à ne pas entreprendre de poursuites… Un milliard d'euros de compensation aux frais du contribuable… Mais il est tout aussi vrai que ces sommes qui concernent seulement environ 15 000 demandes d'indemnisation à ce jour, soit un peu moins de la moitié des victimes recensées, seront à charge du contribuable irlandais puisque l'Eglise ne s'est engagée à verser que 128 millions d'euros ! Mais au-delà de ces questions matérielles, c'est sûr, ce ne sont pas des euros qui permettront aux victimes de se reconstruire moralement. Ce qu'il aurait fallu, ce qu'il faudra nécessairement, c'est que l'Eglise catholique fasse sincèrement son mea culpa. Elle devrait pouvoir le faire puisqu'elle en a l'habitude. Comme ce fut le cas en… mai 2002, aux Etats-Unis, où une crise similaire avait secoué le clergé local. Le Vatican qui avait appliqué la politique de l'autruche a dû néanmoins reconnaître les faits et convoquer ses cardinaux outre atlantique, à Rome… Il faut croire que le sermon papal n'a pas fait son chemin, car il y eut encore d'autres scandales… Les crimes sexuels des ecclésiastiques sont en train d'ébranler lentement mais sûrement les fondements de l'Eglise catholique. A tel point que certains évêques – plus courageux que d'autres ? – n'ont plus peur d'évoquer la question sacro-sainte du célibat des prêtres. Ils disent, en termes à peine voilés, que c'est ce statut qui encouragerait les actes pédophiles ! Au moment où l'Eglise catholique ne fait plus recette et qu'elle peine à recruter des prêtres, qui feraient vœu de célibat et des sœurs qui feraient vœu de chasteté, l'idée nous paraît intéressante. Mais ce ne sera sans doute pas sous le règne de Benoît XVI, vous savez bien : ce pape qui déteste le préservatif…