Le comité Nobel norvégien a décidé de récompenser, hier, le Quartet menant le dialogue national en Tunisie, qui s'est distingué pour «sa contribution décisive dans la construction d'une démocratie pluraliste en Tunisie après la ‘‘révolution du jasmin'' de 2011». Les jurés du Nobel ont rendu hommage à une structure issue de la société civile tunisienne qui a permis de sauver à l'automne 2013 une transition démocratique qui menaçait d'avorter, deux ans et demi après le fameux «printemps» de 2011. Le «dialogue national» entre les islamistes d'Ennahda alors au pouvoir en Tunisie et l'opposition, destiné à sortir le pays d'une profonde crise politique, a officiellement débuté le 25 octobre 2013 et visait à former un gouvernement «indépendant» et à adopter la future Constitution. Le «Dialogue national» est un groupe hétéroclite – composé du syndicat UGTT (Union générale tunisienne du travail), de la fédération patronale Utica (Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat), de la Ligue tunisienne des droits de l'homme et de l'Ordre national des avocats – qui s'était activé pour trouver une issue à la grave crise politique née des assassinats de deux figures de la gauche laïque : Chokri Belaïd le 6 février 2013 et Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. Ces quatre organisations, entrées dans l'histoire sous le nom du «Quartet», étaient parvenues à arracher aux partis politiques de l'opposition et parties prenantes de la coalition gouvernementale une «feuille de route» aboutissant à l'adoption d'une Constitution progressiste fin janvier 2014. Ce compromis s'était accompagné de la démission du Premier ministre Ali Larayedh, issu du parti islamiste Ennahda, qui dirigeait le pays depuis sa victoire électorale d'octobre 2011, et son remplacement par un technocrate Mehdi Jomaâ. De l'avis de tous les analyses, l'œuvre du Quartet a permis à la Tunisie de désamorcer un conflit entre islamistes et anti-islamistes qui menaçait de faire basculer le pays dans le chaos. Le processus a abouti il y a un an avec l'élection du président Essebsi, chef de Nidaa Tounès, le principal parti anti-islamiste. Une récompense en jasmin «Ce prix Nobel consacre le chemin que nous avons choisi, celui de trouver des solutions consensuelles», s'est félicité Essebsi, sur la page Facebook de la présidence tunisienne. Les lauréats du prix Nobel «montrent la voie» pour sortir des crises régionales, a salué la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, sur son compte Twitter. Le comité Nobel veut apporter sa pierre à la consolidation d'un processus de démocratisation tunisien à la fois exemplaire et fragile. La récente vague d'attentats qui a endeuillé la Tunisie, – celui du Musée du Bardo, le 18 mars, qui a fait 22 morts (21 touristes et un agent des forces de l'ordre) et 45 blessés, et celui de la plage de Sousse, le 26 juin, dans la station balnéaire de Port El Kantaoui, qui a fait 39 morts et 39 blessés – a en effet montré que certains groupes djihadistes veulent torpiller ce «modèle tunisien». La consécration du Quartet tunisien est d'autant plus méritoire qu'il y avait cette année 273 candidatures pour ce prix. Une liste qui sera tenue secrète pendant cinquante ans, mais les pronostics allaient bon train cette semaine avec notamment les noms d'Angela Merkel et de John Kerry. Une belle récompense pour la transition démocratique tunisienne.