Il ne faut pas être grand clerc ou germanophile pour comprendre la trame de la piece Land Ohne Worte de Lydia Ziemke, présentée au festival international du théâtre de Béjaïa. Land Ohne Worte (pays sans mots) est une histoire véridique inspirée du vécu de Dea Loher, une écrivaine allemande intensément touchée par les atrocités de la guerre dans la ville de K. La première de la pièce a eu lieu au Fringe Festival d'Edimbourg en Allemagne en 2009, avant que Lydia ne décide de montrer ce texte fort et poignant à un public international, un généreux cadeau qu'elle nous offre. Land Ohne Worte a eu le prix The Stage best solo performance à Edimbourg en Allemagne après une tournée internationale. Durant plus d'une heure, cette pièce d'une grande intensité percute le spectateur et traduit notre humanité en actions palpables. Au-delà de la langue, qui, faut-il le souligner, n'est plus une barrière dans la compréhension du quatrième art, Pays sans mots interroge l'être sur le rôle de l'art dans les circonstances de conflits armés et comment prendre en compte la réalité qui l'entoure. Ce puissant monologue lyrique mis en scène par Lydia Ziemke et campé par l'excellente Lucie Zelger cherche à matérialiser l'abstrait pour aboutir aux réponses des questions que Lucie se pose, suite à la terrible réalité à laquelle elle se trouve confrontée.Parfois les mots ne suffisent guère pour exprimer le ressenti. Impossible pour Dea Loher de mettre des mots sur ce qu'elle a vécu et vu en Afghanistan, la ville de K., qui n'est autre que la capitale Kaboul. La vie lui semble dénuée de sens, les mots abandonnent l'auteure qui se réfugie dans la peinture, pensant trouver en celle-ci un médium artistique à ce qui l'obsède. Tout ce tumulte de sentiments bout dans sa tête. C'est ce duel entre image et verbe, matière et présence charnelle, que Land Ohne Worte met en action. Le réalisme poétique de la langue (allemand) de Dea Loher nourrit une image frappante traduite sur scène par une activité physique détaillée. L'artiste est clairement marquée par les expériences vécues. Lydia Ziemke a créé un espace plastique en trois dimensions. C'est tout autant une installation artistique qu'une pièce de théâtre. Les matériaux de l'installation prennent le dessus sur le corps de Claire. Une présentation artistique commune n'aurait pas de permis de prendre en compte le vécu de l'artiste perturbé dans ses réflexions. Le dispositif scénographique, composé d'une installation éphémère dans un espace temps incertain, a su comment bouleverser positivement le spectateur. Au-delà des mots pour exprimer les maux Les mots et discours les plus riches semblent orphelins devant des catastrophes et drames humains. Le travail accompli par Lydia Ziemke, Lucie Zelger et la scénographie signée Claire Schirck témoignent d'un théâtre d'une qualité indiscutable. Dea Loher, auteur prolifique, a reçu de nombreux prix, dont le prestigieux Bertoldt-Brecht-Preis de la ville d'Augsbourg en 2006, et le Berliner Literaturpreis en 2009. La plupart de ses pièces sont traduites en français par Laurent Muhleisen. Land Ohne Worte devrait être traduite dans les prochains mois.