Invité à s'exprimer, hier, sur les dispositions du projet de loi de Finances 2015, le ministre des Finances a décliné carrément la nouvelle politique économique du pays. Il appelle désormais les Algériennes et les Algériens à «sortir de certains tabous des années 1970». Abderrahmane Benkhalfa a défendu, lors de son passage sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale, l'ensemble des dispositions introduites dans le projet de loi de finances 2016, particulièrement les articles 66 et 71 qui ont soulevé une vive polémique et une contestation de la part des députés de l'opposition. S'agissant de l'article 66, le premier argentier du pays a estimé que cette disposition est venue clarifier les règles de partenariats entre des entreprises publiques et des investisseurs résidents. Selon lui, l'ouverture du capital ne sera permise qu'à hauteur de 34%. Benkhalfa a ajouté qu'«en 2015, aucun pays ne vit avec une entreprise publique à 100%, ni à un budget 100%». Il est clair, souligne-t-il, qu'«on ne peut pas revenir en arrière aux années 1980» et que «toutes les entreprises publiques doivent s'ouvrir et se moderniser, y compris celles considérées comme grandes entreprises», allusion faite à Sonatrach, Sonelgaz, SNVI, Air Algérie et bien d'autres profitant aujourd'hui des largesses de l'argent du Trésor public. Les décisions d'ouverture de capital passeront, a-t-il expliqué, par le Conseil des participations de l'Etat (CPE), présidé par le Premier ministre et compte presque la moitié du gouvernement. «Des règles juridiques qui protègent l'emploi, les filières et les activités existent. Sur ce plan, nous sommes outillés», a tenu à rappeler le ministre avant de préciser qu'il existe aujourd'hui des entreprises publiques, qui étaient auparavant moribondes, mais aujourd'hui dynamiques et fabriquent des véhicules industriels de tourisme et du machinisme agricole. «Nous avons un éveil du secteur public économique. Il faudrait le pousser, l'élargir aux capitaux et le rendre compétitif pour qu'il soit de taille internationale. Il n'y a pas de raison que nos jeunes cadres qui travaillent dans une entreprise publique, ne soient pas dans un esprit international. Nous sommes obligés d'aller dans cette direction. Mais cela se fera sous le regard du gouvernement qui décidera au cas par cas», a clarifié Benkhalfa au sujet de la réforme envisagée dans le cadre de la loi de finances 2016. Plus loin, il a ajouté : «Personne n'a le droit de bloquer notre économie. Cette économie doit être ouverte, régulée et encadrée.» «Beaucoup d'incompréhension» S'agissant de l'article 71, permettant au ministre des Finances de procéder au gel de projets et la réduction de financement, sans faire appel au Parlement, le ministre des Finances a dénoncé «des incompréhensions» qui n'ont pas lieu d'être. «Tous les pays disposent d'une capacité de gestion de budget, même en période normale. Nous sommes dans des politiques budgétaires en ligne, parfois mois par mois. Nous ne pouvons pas attendre une année pour aller vers le Parlement. Nous avons des milliers de projets à gérer. Il s'agit donc d'une possibilité de redéploiement et d'optimisation de ressources. Le tout se fera par décrets», a-t-il répondu aux critiques acerbes des parlementaires de l'opposition qui ont boycotté la séance consacrée à l'adoption du projet de loi de Finances 2016. Le ministre des Finances, offensif, a riposté également à ceux qui juger que le gouvernement n'a pas de stratégie économique. «Nous connaissons nos comptes et leurs impacts jusqu'à 2019, mois par mois.» La démarche adoptée par l'Exécutif est celle de s'appuyer sur l'économie réelle et les ressources financières nationales, parmi lesquelles la fiscalité ordinaire représente une bonne part. «Nous n'avons plus de fiscalité pétrolière comme avant. Nous maintenons l'argent du pétrole comme une variable exogène. C'est la première année où la fiscalité non pétrolière va rapporter 3000 milliards DA. J'appelle les citoyens à se mobiliser et au patriotisme», a concédé le premier argentier du pays invitant les citoyens à faire confiance au système bancaire et à éviter les transferts frauduleux de devises. Persuadé et convaincu que les mesures de rationalité et d'ouverture doivent être prises aujourd'hui, le ministre des Finances a évoqué «un choc frontal», mais il n'en demeure pas qu'une marge de manœuvre de trois ans permet de surmonter cette crise pétrolière. «Il ne faut pas réprimer la croissance et les investisseurs. Nous devons sortir de certains tabous des années 1970. Nous ne devrons pas être en recul par rapport à la Turquie, la Corée du Sud, la Malaisie au le Brésil. Nous devrions être une économie émergente à dimension sociale prononcée», a-t-il par ailleurs estimé. Plus tranchant, il a établi qu'il nous faut une «sahwa» économique.