En attendant le vote en plénière du projet de loi de finances 2016, la commission des finances et du budget de l'APN a pris sur elle de faire les amendements qui lui ont semblé nécessaires. À grande bataille, grosse artillerie. C'est l'attitude observée, presque à l'unisson, une fois n'est pas coutume, par les députés opposés dans leur majorité aux dispositions proposées par le gouvernement dans le projet de loi de finances 2016 soumis, depuis avant-hier, aux débats à l'Assemblée nationale populaire. Une attitude que partagent les élus des formations politiques constituant la majorité au niveau de la chambre basse du Parlement — une majorité acquise au gouvernement — et les élus de l'opposition. Une montée au front, inédite, qui donne d'ores et déjà ses premiers résultats. Et pour cause, plusieurs articles de ce projet de loi de finances 2016 seraient déjà passés à la trappe au niveau de la commission des finances et du budget de l'Assemblée, avant même que n'intervienne son vote en plénière, prévu pour le lundi 30 novembre. Selon les informations recoupées auprès de nombreux députés de différentes formations, ces articles qualifiés de "dangereux" pour le devenir du pays seraient déjà annulés par la commission dans laquelle siègent des députés de toutes les formations. Il s'agit d'au moins 8 articles, entre autres, les articles 2, 51, 53, 54, 56, 59, 66 et 71 du projet de loi de finances 2016. Les députés sont particulièrement hostiles à l'article 71 qui donne au gouvernement la "latitude de décider, par décret motivé sur rapport du ministre des Finances, de l'annulation ou du gel de projets lorsque les équilibres budgétaires sont compromis". Un article, dénoncent les députés, qui annule ainsi les prérogatives du pouvoir législatif, voire celles du président de la République. L'article 2 proposé dans le projet de loi de finances 2016 stipule, quant à lui, l'annulation de la disposition imposée par la loi de finances complémentaire 2009 aux investisseurs pour réinvestir la part des exonérations fiscales dont ils bénéficient dans l'objectif d'encourager les investissements et la création des richesses. L'article 66 est relatif, lui, à l'ouverture des capitaux des entreprises publiques aux investisseurs privés, lesquels, si cet article venait à être imposé, pourraient racheter dans un premier temps 66% des actions des entreprises publiques avant de pouvoir, au bout de quelques années, atteindre les 100%. Ce qui soulève l'ire de nombreux députés, à leur tête Djelloul Djoudi, chef du groupe parlementaire du parti des travailleurs (PT) et néanmoins membre de la commission de finances et du budget de l'APN, qui accuse le gouvernement d'œuvrer à "ressusciter cette loi caduque" supprimée par le président de la République dans le cadre de la LFC 2009. Les articles 53 et 54 portent respectivement sur la cession du foncier pour les investissements privés dans le secteur du tourisme et des biens des collectivités locales. Tandis que l'article 51 est conçu pour remettre en cause la loi 51/49. L'article 59 permet, quant à lui, aux investisseurs privés de recourir, avec l'aval du gouvernement, aux financements étrangers. Les députés, toutes obédiences confondues, craignent de ce fait la remise en cause de l'essentiel des acquis sociaux et économiques protégés, jusque-là, dans le cadre de la LFC 2009. Djelloul Djoudi considère ainsi que le projet de la loi de finances 2016 comme "un virage dangereux" pour le pays. Néanmoins, il mise beaucoup sur la détermination des représentants du peuple, dont ceux des partis de la majorité, pour peser dans la balance, afin de contrer ce projet qui, selon lui, serait dicté au gouvernement par "l'oligarchie". Même son de cloche chez le représentant de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV), Rachid Kalloun, qui, même s'il se démarque du vocable d'oligarchie, ne manque pas de vilipender le pouvoir "qui tente de dissimuler ses échecs par la baisse des prix du pétrole". "La crise qui affecte le pays n'est pas due au déclin des recettes pétrolières, elle est plutôt le résultat de la mauvaise gestion des affaires de l'Etat", accuse-t-il. Abondant dans le même sens, Mohamed Baba Ali, député RND de Tamanrasset, n'est pas moins critique envers le gouvernement auquel il reproche sa tactique, très peu orthodoxe, de solliciter "les poches des citoyens, à travers les augmentations décidées dans le cadre du projet de loi de finances 2016 pour sauver sa tête". M. Baba Ali n'a pas manqué de s'en prendre, par ailleurs, à "certains partis socialistes ayant basculé dans la bourgeoisie" qui, selon lui, s'ils s'opposent aujourd'hui au projet de loi de finances 2016, "c'est surtout pour préserver leurs intérêts". F. A.