Le PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane avait annoncé, fin mai à Abou Dahbi, que le Medgaz, le gazoduc qui reliera directement l'Algérie à l'Espagne, entrera en fonction en automne. Il confirme, ainsi, les prévisions du Président du consortium Medgaz, Pedro Miro, faites en début de l'année. Un grand événement en vue dans le secteur de l'énergie, pour l'Algérie et l'Espagne, mais aussi pour l'Union européenne. Sa réalisation, pourtant, n'aura pas été facile. Du point de vue technique, économique et, parfois, politique. Après l´entrée en fonction du Gazoduc Maghreb Europe (GME), vers la seconde moitié des années 90, l´Espagne avait commencé à récupérer de l´angoisse des ruptures d´approvisionnements dues, parfois à une tempête imprévue en Méditerranée - comme en janvier 1995 - qui empêchera pendant plusieurs jours les méthaniers de lever l´ancre depuis Arzew, souvent aussi à l' incertitude politique chez son fournisseur, l'Algérie.
La politique s'en mêle Plus que la météo, toutefois, la politique s´est mêlée de ce dossier, entretenant la panique sur le marché énergétique espagnol. Il faut dire que l´Algérie affrontait alors la pire situation du terrorisme, d´où la question du client: l´Algérie est-elle une source d´approvisionnement sure pour le marché gazier espagnol? Pour des raisons politiques évidentes le correspondant du quotidien El Pais, à l´époque, à Alger, répondait par le décompte du nombre de bombes que posaient les terroristes du GIA chez le partenaire du sud de la Méditerranée où la situation sécuritaire est la moins garantie. Chaque fois qu´un attentat est annoncé dans le sud du pays, parfois à des centaines de kms de Hassi Rmel, El Pais faisait ressortir le lien avec le Gazoduc Maghreb Europe (GME) présentant, souvent, le gazoduc comme la cible privilégiée du terrorisme. Le GME a été réalisé à grands frais - 2 milliards de dollars - par l'entreprise espagnole Gas Natural, présidée feu Duran Farrel alors président de ce puissant group pétrolier catalan - un ami fidèle de l'Algérie dont les cendres ont été semées dans le désert d'Adrar, selon sa dernière volonté, où une stèle a été érigée à son souvenir - sera la cible d´une campagne de presse insidieuse sur fond du " qui tue qui ". Une naissance donc dans la douleur de ce que le président Bouteflika qualifiera, plus tard, de fleuron du partenariat, maghrébin et en Méditerranée occidental. L´Espagne avait commencé, pourtant, à ne plus se poser la question de ses approvisionnements de gaz avec la même angoisse grâce aux 8.milliards de m3 livrées sur simple ouverture du robinet. L´Algérie, elle, mise en quarantaine politique et financière, quasi en cessation de paiements, pouvait s'assurer des rentrées stables en divises. Le baril tombait alors au-dessous de la barre des 10 dollars. Avec le retour à la stabilité politique en Algérie, avec le recul sensible du terrorisme au début des années 2000, le GME se fera oublier par ses adversaires. L'époque était favorable pour le gaz, énergie propre, avec la montée des coutants écologistes en Europe. Pas pour très longtemps puisque le conflit de Perejil. Le 12 juillet 2002, entre l'Espagne gouvernée par José Maria Aznar et le Maroc, se posera de nouveau la question de la sécurité énergétique espagnole. Le Maroc avait entre les mains un nouveau moyen de pression sur son voisin du Nord, le GME qui passe par son territoire. Une arme ultime, certes, mais une arme quand même. Le gouvernement du Parti Populaire ne veut pas être l´otage du Maroc pour ses approvisionnements énergétique. "Autant traiter directement avec le fournisseur, l'Algérie, dont le président, Abdelaziz Bouteflika entretient les meilleures relations avec le président José Maria Aznar, lequel est présenter par la presse marocaine comme l'homme qui hait le Maroc. Aznar veut équilibrer les relations de son pays avec le Maghreb où le Maroc a toujours représenté la priorité des priorités de la diplomatie du gouvernement socialiste présidé par Felipe Gonzalez qui espère calmer les revendications marocaines sur Ceuta et Melilla, même au sacrifice du Sahara Occidental. Aznar a une autre stratégie. L'Espagne n'a aucun problème de cette nature - ni problème tout court avec l'Algérie - Le projet Medgaz, gazoduc reliant directement les deux pays pouvait donc être envisagée.
Une idée qui remonte aux années 70 Pourtant, selon les "sources de Medgaz", l'idée de construire un gazoduc direct entre l'Algérie et l'Europe avait surgi dans les années 70. Dans le but d'étudier la faisabilité d'un relais sous-marin, des études sismiques avaient été effectuées, ainsi que des analyses géologiques, des inspections visuelles du fond marin et des études océanographiques. Mais les limites techniques de l'époque avaient empêché sa réalisation et l'opération d'un gazoduc dans des eaux profondes abandonnée. Toujours selon des "sources Medgaz", ces obstacles techniques avaient cessé d'exister en 2000, grâce aux progrès technologiques, donc le groupe pétrolier espagnole Cepsa et Sonatrach ont signé un protocole d' accord' afin de relancer le projet gazoduc direct Algérie-Europe, prévu dans les années 70. La " Société pour l'Etude et la Promotion du gazoduc Algérie-Europe, via "Espagne, S.A." (MEDGAZ) s'est constituée en février 2001. Depuis, plusieurs entreprises énergétiques ont exprimé leur intérêt de s'unir au projet. Aujourd'hui MEDGAZ est constituée de cinq entreprises solvables du point de vue technique et financier : SONATRACH, CEPSA, IBDERDROLA, ENDESA et GDF SUEZ. Selon les mêmes "sources MEDGAZ", le projet vise les objectifs suivants : garantir la sécurité de l'approvisionnement de l'Espagne, importer du gaz naturel à un prix meilleur marché, satisfaire la demande croissante de cet te source d'énergie et contribuer à l'accomplissement des objectifs marqués dans le Protocole de Kyoto, en matière d'environnement. Donc, un projet qui répond parfaitement à tous les profiles économiques et les conditions écologiques Ces dernières années la demande espagnole en gaz naturel a beaucoup augmenté. Elle a triplé depuis 1995 grâce à une croissance économique des plus élevées alors de l'Union européenne, au-dessus des 3%. L'Algérie, de par sa proximité géographique, est le premier fournisseur de gaz naturel en Espagne et elle dispose de ressources suffisantes pour exporter cette matière première non polluante et à bon marché durant les prochaines décennies. MEDGAZ est donc la voie la plus directe et, par conséquent, économique pour faire acheminer du gaz naturel vers le Sud de l'Europe, sans transiter par un pays tiers, le Maroc, ce qui lui évite de payer des droits de transit. Avec le GME ces droits sont estimés à 80 millions d'euros par an. Des organismes internationaux comme l'Observatoire Méditerranéen de l'Energie et Wood Mackenzie. ont vu dans MEDGAZ un projet fiable, qui bénéficie donc d'un grand soutien institutionnel, tant au niveau national (en Algérie et en Espagne, qu'au niveau européen. La Commission Européenne l'a, d' ailleurs, classé comme " Projet d' Intérêt Commun à l'intérieur des réseaux transeuropéens de l'énergie ". Des arguments puissants. Pourtant, le lancement du projet sera retardé. Encore une fois la politique fait soin entrée dans ce dossier. Le départ de José Maria Aznar, en 2004, et l´arrivée des socialistes au pouvoir en Espagne, ralentira ralentira l´enthousiasme suscité par un tel projet. Les socialistes ne l´inscriront dans la " catégorie A ", celle des priorités, que bien des années après. Sa remise en cause avait même été envisagée dans les milieux socialistes qui voyaient d´un mauvais œil le rapprochement entre Madrid et Alger opéré par Aznar "se faire au détriment du Maroc". L´entreprise Gas Natural plaide pour le doublement de la capacité du GME, de 8 à 18 milliards de m3 an et refuse d´entrer dans le nouveau projet, aux côtés de Sonatrach, Iberdrola, Cepsa, EDF, Total et BP. Ces deux dernières entreprises ont quitté, il y a quelques années, le Medgaz et Sonatrach avait acheté leurs actions. La sortie des deux entreprises fera que la participation de Sonatrach passera, de 20 à 36%, bien que " sous conditions ". L'entreprise algérienne est, en effet, obligé, d´ entreprendre toutes les actions nécessaires en vue d´assurer le fonctionnement du futur gazoduc sous-marin et informer régulièrement le Secrétariat Général espagnol à de l´Energie sur sa participation dans le Medgaz. Le projet était déjà, administrativement, bien avancé et le gouvernement socialiste espagnol enfin décidé à le lancer. Et pour cause, la crise énergétique, en Europe, pointait le nez. L'Union européenne donne un coup de pouce au projet.
La crise du gaz en Europe Le 23 janvier 2006 à Bruxelles, le Sommet de l´Union européenne tentera d´impulser une politique énergétique commune axée sur un triple objectif : La sécurité des les approvisionnements. La définition d´un modèle énergétique qui augmente la compétitivité de l économie et garantie que les nouvelles matières énergétiques soient conformes aux critères de l´environnement. " En relation avec la question des approvisionnements énergétiques il convient de renforcer les relations avec nos fournisseurs, en particulier en Afrique du Nord et spécialement avec l´Algérie ", décidaient les " 25 ". C'est encouragement pour Medgaz. À travers ce " défi énergétique " de l´Union européenne. Le Président de la Commission européenne, M.Durao Barroso avait reconnu l´urgence du renforcement des investissements européens dans le secteur énergétique car la Commission européenne prévoyait que la dépendance énergétique de l´UE passera de 50% actuellement à 70% en 2030. Diverses études estiment à 1.000 milliards d´euros les investissements industriels en 20 ans Donc l´Union européenne marchera avec le Medgaz dont elle financera une partie des projets. Et vinrent les années de la crise du gaz russe L´année 2006 date à laquelle le dossier Medgaz évoluait favorablement, était celle grand froid à la suite de " la crise du gaz " entre la Russie et l´Ukraine, " L´Europe grelotte avec la guerre énergétique " ou encore " chute des approvisionnements des pays européens " en gaz naturel russe. annonce la presse européenne avec angoisse. Cependant dans le cas de l´Espagne, les experts se voulaient rassurants quant à la sécurité de ses approvisionnements de cette matière énergétique en cette période de grand froid sibérien. Pour le Secrétaire Général de l´Association espagnole du Gaz (Sedigas) M. Juan Pons, la crise crée autour du gaz entre la Russie et l´Ukraine " n´affectera en rien " le marché espagnol, car " L´Espagne a d´autres sources d´approvisionnements, spécialement l´Algérie …pays sérieux qui respecte ses contrats ". Le quotidien ELMUNDO, proche du parti populaire de José Maria Aznar se félicitait, même, de ce que le marché espagnol ne souffrira pas de pénuries de gaz, pour ces mêmes raisons. Ce même journal avait été le premier, en 2005, et en plein hiver, et alors que se précisait la menace d´une rupture des stocks, pour l´accélération du projet Medgaz. " Si l´Espagne ne souffre pas des répercussions de la bataille du gaz qui se livre en Europe, c´est grâce à l´origine du gaz qui vient dans notre pays. A la faveur du contrat signé avec l´Algérie, une grande partie du gaz que consomment les ménages et les entreprises espagnoles est extraite par Sonatrach des gisements du sous-sol algérien". Les statistiques officielles font ressortir que 46% des importations espagnoles en gaz naturel proviennent du sud algériens. Le reste est réparti entre le Nigeria (15,3%), Qatar (14,4%), l´Egypte (6,7%), la Norvège (6,5%), Oman (5,7%), La Libye (2,6%), la Malaisie (1%), les EAU (1%), Trinidad et Tobago (0,6%) et autres (0,3%. A l'opposé de son confrère El Pais, le quotidien ELMUNDO, proche du parti de José Maria Aznar, a remis les choses en place Pour le gouvernement socialiste espagnol cette " diversification " permet de réduire le risque de rupture des stocks stratégiques. Dans le pire des scénarios l´Espagne aura de quoi " couvrir la consommation nationale totale durant plus d´une semaine ". Pour éviter précisément des situations de ruptures de stocks dont la cause principale est la spéculation des fournisseurs locaux, le gouvernement espagnol a durci la loi en matière de régulation du secteur de l´énergie, pour contraindre les entreprises espagnoles importatrice de gaz naturel à donner la priorité au marché national. Certains fournisseurs avaient préféré, en en effet, en2005, au moment de la menace des ruptures de stocks en Espagne à cause notamment d´une panne de la centrale nucléaire Asco, écouler leurs quantités de gaz sur le marché américain, autrement plus rentable. La crise du gaz en Europe accélérera la procédure de mise en chantier de Medgaz. Toutes les conditions n'étaient pas, pour autant encore réunies.
Conformité aux normes de l'environnement Le projet cheminera par de longues étapes avant le début d´exécution, en 2006. Après avoir analysé les différentes alternatives des l´entrée du gazoduc dans la province d´Almeria (El Toyo, Rambla, Orales, la zone de l Andax, Adre, Retamar et Carboneras) les responsables du projet avaient décidé que sa réalisation se ferait par la plage del Perdigal, au sud de l´aéroport et dans les limites municipales de la ville. Cette entrée où sera construit un terminal de réception, présente, selon lui, " l´avantage de se situer en dehors du Parc National Cabo de Gata-Nijar, une des exigences de l´administration de l´environnement, et de ne pas et influer sur les plans urbanistes de la ville d´Almeria ". Une " sortie au niveau de Carbonesa, là où l´entreprise Endesa, partenaire dans le Medgaz, dispose de notables intérêts avait été envisagée. Cet endroit présente " de multiples options pour le développement de la zone " selon Pedro Miro. Le porte-parole des Verts de la région d'Almeria, Mme Annette Hauer, laissera entendre que son mouvement ne voyait pas d´inconvénient au passage du Medgaz par cette région où se trouve le Parc Naturel Cabo de Gata Nijar. Selon Mme Hauer, son mouvement écologiste étudiait le projet sous l´aspect environnemental mais qu´à priori rien ne permettait de dire qu´ " il est contre le Medgaz, car le gaz apporte des avantages que d´autres sources d´énergie n´ont pas comme le fait, par exemple, qu´il contamine moins ". En Europe, la société civile a son mot sur l'environnement. Les habitants de la région " auront la possibilité de profiter de cette matière énergétique " en provenance de l'Algérie, dira Mme Hauer. C'était encourageant. Le dossier évoluait bien. Au cours d´une conférence de presse, en janvier 2006, à la Chambre du Commerce de Almeria, le vice-président de Medgaz, M. Pedro Miró, devenu par la suite président, marquait déjà son optimisme : " Maintenant que le projet a été publié dans le bulletin officiel, que si l´obtention de tous les permis se faisait avant ou au début de l´été, et tenant compte que sa réalisation se fera en 30 mois, alors nous serons en mesure de livrer le gaz au début de l´année 2009 ". Dans les délais Entre les mois de janvier et mars dernier il avait été procédé aux premiers essais pour tester le bon fonctionnement du gazoduc .Les choses vont alors s'accélérer sur le marché espagnol. Des " sources proches du Medgaz " avaient indiqué qu´" il ne reste plus à poser qu´un tronçon dans les eaux territoriales algériennes " et qu´une fois achevé, en 2009, Medgaz fournira à l´Espagne, annuellement, 8 milliards de m3 de gaz, une quantité qui pourrait être doublée si la demande du marché énergétique espagnol l´exigeait ". En Espagne on commence déjà les grandes connexions avec le réseau domestique. Le quotidien économique " Negocio " annonçait, en mars dernier, que l´entreprise espagnole Enagas avait engagé les travaux de connexion du réseau gazier des Baléares avec Medgaz et que " si la pose du gazoduc sous-marin reliant directement l´Algérie à l´Espagne est entrée dans sa phase finale, la connexion avec les îles de Palma et de Ibiza n´a commencé que la semaine dernière ". Le coût de ce projet de connexion avec les Baléares est estimé par Enagas à 490 millions d´euros. Pedro Miro ne se trompera que de beaucoup lorsqu'en, en janvier dernier, il avait annoncé que l´inauguration de Medgaz se fera vers la fin 2009. Ce que Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach, confirmera, le 27 mai à Abou Dahbi : " Ce sera pour le troisième trimestre 2009 " avait-il répondu à la presse. Dans les délais, respectés par l'entreprise italienne, Saipem, qui avait construit le GME et le Medgaz.