Un pan de l'histoire de l'Algérie s'en va. Hocine Aït Ahmed nous as quittés, hier, à l'âge de 89 ans. L'«historique» dirigeant de la Révolution algérienne et opposant dès l'Indépendance a rendu l'âme à Genève, selon la direction du FFS, le parti qu'il a créé en 1963 et qu'il a dirigé pendant 50 ans. Si L'hocine, comme aime également l'appeler la majorité des Algériens, était un grand chef de la Révolution. Militant du PPA à l'âge de 16 ans alors qu'il était encore lycéen, il était un brillant stratège et deviendra même, en 1948, le plus jeune membre du comité central du Parti du peuple après avoir été membre fondateur en 1947 de l'Organisation spéciale (OS) qu'il dirigera ensuite en remplaçant Mohamed Belouizdad. En fin tacticien, Hocine Aït Ahmed organisait des formations de cadres militaires à l'échelle nationale en vue du déclenchement de la Révolution. Il organisa dans ce cadre la fameuse attaque de la poste d'Oran. Ses idées «berbéristes» font néanmoins qu'il soit «éjecté» de l'OS pour être remplacé par Ahmed Ben Bella. Deux ans avant le déclenchement de la Révolution, Aït Ahmed s'exila au Caire. Après le déclenchement de la Révolution au nom du Front de libération nationale, Aït Ahmed, devenu l'un des principaux chefs du parti «unificateur», dirige la délégation algérienne à la Conférence de Bandung. Fin diplomate, Aït Ahmed a eu à diriger également, en avril 1956, le bureau du FLN à New York (Etats-Unis ). Cinq mois après, la question algérienne est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée générale de l'ONU. Il est arrêté en octobre 1956 en compagnie de Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider, Ahmed Ben Bella et Mostefa Lacheraf, dans l'avion qui les conduisait du Maroc à Tunis où devait se tenir une conférence maghrébine de la paix. Même en prison, ils réussissent à communiquer avec le FLN et l'ALN, le bras armé du parti. Aït Ahmed était particulièrement alors favorable à la création d'un gouvernement provisoire à l'étranger. Au-delà de ses hauts faits de guerre et ses positions durant la Révolution, Aït Ahmed, qui démissionna du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), lors de la fameuse crise de l'été 1962, fonda en 1963 le Front des forces socialistes (FFS) pour s'opposer au «pouvoir unique» des nouveaux maîtres d'Alger, et revendiquer par là même le pluralisme politique. Une guerre de deux ans a été déclenchée en Kabylie pour défendre les idéaux démocratiques confisqués. Aït Ahmed est arrêté en 1964 et a été condamné à mort avant de s'évader de la prison d'El Harrach en 1966, c'est-à-dire après la prise du pouvoir par Boumediène qui a renversé le premier président de l'Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella. Il s'exila en Suisse où il est resté jusqu'en 1989 mais le parti qu'il a créé continuait à activer au temps du parti unique dans la clandestinité avant de «renaître» à l'occasion de l'ouverture démocratique post-1988 consacrée par la Constitution de 1989. Après l'assassinat de Boudiaf, Aït Ahmed se retrouve à nouveau en exil avant de décider de se porter candidat à la fameuse élection présidentielle de 1999 qui verra son retrait de la compétition en compagnie des 5 autres candidats (Youcef Khatib, Ahmed Taleb Ibrahimi, Mouloud Hamrouche, Mokdad Sifi et Abdallah Djaballah), car ayant entre autres constaté «la persistance du pouvoir à dénier aux citoyennes et aux citoyens leur droit de décider de leur avenir», laissant l'actuel président seul en course. En 1995, alors que le terrorisme battait son plein, il adhère également à une initiative commune connue sous le nom de Contrat de Rome ou «plateforme de Sant'Egidio pour la sortie de crise et pour le retour à la paix». Le FFS qu'il a dirigé jusqu'au dernier congrès de mai 2013, peine aujourd'hui à faire aboutir son initiative de «consensus national». Après avoir quitté le parti, Aït Ahmed avait souhaité créer une fondation qui allait porter son nom, «pour poursuivre le combat», mais la maladie ne lui a pas permis de réaliser son rêve. Aït Ahmed, l'opposant, est mort opposant et… en exil.