L'Algérie a connu plusieurs grands maîtres du oud (luth). Certains, tels que Ray Malek et Matti Bachir, sont connus alors que d'autres comme le luthier de Blida Mohamed Benaicha ont préféré vivre loin de la célébrité. Alla a dû partir loin pour que son talent soit reconnu. Alla, de son vrai nom Abdellaziz Abdallah, a rendu, il y a quelques années, un hommage à son père appelé Embarek Foundou, parce qu'il travaillait à cette époque au «fond 2» de la mine de Kenadza. Dans sa ville, la musique d'Alla fait école et porte son nom : «Le foundou !». Cette musique n'est pas fortuite, elle porte les stigmates des mineurs de Kenadza avec leurs souffrances et leurs colères. Taghit fait aussi référence à son père, puisqu'il emprunte son nom à l'oasis dont il est originaire. De plus en plus gaie et malicieuse, sa musique sait prendre le temps du silence et de la réflexion. Tous ses rythmes et ses mélodies souvent plaintifs, sont aussi inspirés de ce lieu chargé d'histoire : La mine de Kenadza. Découverte en 1917, cette mine transforme l'oasis saharienne en pôle industriel cosmopolite. Le prolétariat accourt de tous les horizons, des hauts-plateaux, de Kabylie, du Maroc. On y retrouve des républicains espagnols, des Corses, des Italiens et même des prisonniers allemands de la seconde Guerre mondiale. Cette oasis est dirigée par la plus grande confrérie de l'Ouest algérien, au sein de laquelle séjourna Isabelle Eberhardt. Le premier pas A Kenadza, on fête chaque année le saint patron de la zaouia, Sidi M'hamed Ben Bouziane, au son de la ferda, musique typique, ou du diwan, venu d'Afrique noire et dont Alla s'imprègne également. Le diwan est à l'origine une musique de transe profane puis devenue religieuse. Sa poésie mystique et ses versets coraniques chantés comme une litanie trouvent des adeptes jusque dans les grandes villes du Nord. Né le 15 juin 1946 à Bechar, d'un père venu de Taghit (située à 90 km de Bechar), et d'une mère originaire de Tafilalet, au sud du Maroc, Alla quitte à 15 ans les bancs de l'école pour commencer à gagner sa vie. Démuni, comme la plupart des chanteurs algériens, à seize ans il fabrique son propre oud de fortune : l'universel instrument à cordes des gamins, à base de bidon, de bout de bois en guise de manche et de câbles de frein de vélo pour les cordes. Les copains du quartier sont son premier auditoire. Ce n'est qu'en 1972 qu'il achète son premier oud. Il joue alors, comme tous ses pairs, des mélodies en vogue et, en général, du melhoun. Mais, rapidement, il vole de ses propres ailes, se forgeant un style, explorant des horizons nouveaux pour arriver dans sa pratique de l'instrument à une sorte de synthèse entre le jeu oriental et le jeu africain. L'esprit jazzy Découlant de cette liberté d'improvisation, sa musique laisse entrevoir une modernité proche de l'esprit jazzy dans lequel une oreille occidentale classerait volontiers le musicien.Mais sa réputation, il la doit à Bernardo Bertolucci, qui, lors d'une rencontre, emporte ses enregistrements dans ses bagages. En 1992, il sera invité à représenter l'Algérie à un concert donné à l'Unesco. Contre toute attente, Alla jette l'ancre à Paris. Alla demeure plus que jamais l'un des maîtres du oud, d'envergure internationale. L'un de ses pairs, l'Irakien Mounir Bachir, déclare un jour à un groupe de journalistes algériens : «Mais vous avez en Algérie un luthiste exceptionnel, dont le jeu échappe aux schémas de la musique arabe.» Mais comme on dit : «Nul n'est prophète dans son pays.»