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Crime ou accident ? De vingt à sept ans !
Tribunal criminel
Publié dans Le Temps d'Algérie le 06 - 06 - 2009

D'avocat à investigateur, maître Fodil a voulu démonter le réquisitoire du procureur général. Il a réussi au dixième de la peine. Il fallait le faire, maître, car de la peine capitale, de vingt ans de réclusion, obtenir sept ans, le pari a été relevé. De toutes les façons, le tribunal criminel n'a sans doute retenu que les coups et blessures.
C'était un mois d'hiver, janvier 2005. Dans une cité en chantier occupée par des indus, une folle soirée devait connaître une aube dramatique. Au pied d'un immeuble, sous le balcon, un cadavre était découvert en sang.
Alertés, les agents de police procèdent à l'interpellation d'un suspect, le dernier à avoir vu vivant l'homme découvert un peu plus tôt.
«Nous nous sommes disputés d'abord avant de nous rouler sur la chaussée et nous séparer. Il est vrai que je l'avais menacé en ces termes :
«Maintenant, je n'entreprendrai rien. Demain tu verras de quel bois je me chauffe», avait-il reconnu devant le tribunal criminel de Boumerdès.
Soutenu par maître Fodil, son avocat, et tenu en respect par Khaled Bey, le procureur général, qui allait requérir plus tard la peine capitale, car appelant en cassation à la suite d'un premier procès où Med Hammouche avait écopé d'une peine de réclusion criminelle de vingt ans.
Sur la dizaine de témoins, seuls trois s'étaient déplacés devant la comparution du tribunal criminel présidé par Nacéra Bouchni.
Et les trois allaient se déjuger, car aucun d'eux n'a vu le couteau qui a servi à tuer. Un couteau d'ailleurs que personne n'a réussi à trouver. Regrettant une enquête baclée, l'avocat avait tiré ce qu'il faut pour retenir l'attention du tribunal criminel, en informant les présents qu'il avait entrepris de reprendre à son compte et sur son temps toutes les zones d'ombre de l'enquête.
Partant de l'autopsie, maître Fodil a évoqué la grosse quantité de rhum découverte dans l'estomac de la victime ivre cette soirée-là comme l'étaient tous les présents qui avaient fêté à leur manière le nouveau logement !!!
«La blessure qui a causé la mort était sur la poitrine, ni au visage, ni sur le dos, ni à la tête. Non ! Elle était en haut de la cuisse gauche à proximité des parties génitales», s'était écrié le défenseur en précisant que la plaie était profonde de huit centimètres sur un centimètre et demi.
Ceci pour dire que la victime n'a été tuée ni par un couteau, ni par un tournevis, ni encore moins par une paire de ciseaux.
Aussi bien que l'assistance, face à cette démonstration, les membres du tribunal criminel étaient restés bouche bée !
Analysant point par point les faits réels ou supposés et ce, durant trois demi-heures «le conseil allait contrer le procureur général qui avait parlé de crime abominable avec préméditation et guet-apens. A un moment donné du procès, on avait évoqué cette fameuse dispute le soir de la mort de la victime.
Là aussi l'avocat allait escalader d'un cran l'échelle des probabilités de ce dossier sombre aussi sombre que l'étaient la cité, l'immeuble, les marches d'escalier des quatre étages et bien sûr les témoignages de gens ivres morts qui avaient dit n'importe quoi pour se tirer d'affaire surtout que les menaces de l'accusé envers la victime étaient bien réelles.
Arrive alors le tournant décisif de ce procès qui allait voir les vingt ans écopés et la peine capitale soutenus avec fracas par ce Bey motivé comme tout, évaporés ! Et ce tournant se situait sur une conclusion trouvée par le seul avocat de l'accusé, à l'issue de longues et pénibles investigations sur les lieux où le drame s'était déroulé.
«Madame la présidente, il m'est agréable de vous demander un peu d'indulgence car il me faut un peu plus de temps pour éclairer l'honorable tribunal criminel et j'y arrive», avait lancé, l'œil vif, le cou entre ses larges épaules,... maître Fodil.
Et le défenseur d'expliquer que le cadavre avait été découvert sur la chaussée au bas de l'immeuble où avait eu lieu la brève rixe entre l'accusé et la victime et au quatrième étage dit-on, alors que c'était au deuxième.
Puis, l'homme à la robe noire d'entrer dans une louable spéculation plausible du fait que si Mohammed Hammouche avait été tué en haut, il aurait fallu le transporter sur les marches des escaliers : «Impossible dit l'avocat, car il y avait du monde» et donc des témoins.
Il aurait fallu le tuer et le balancer du haut et là aussi impossible, l'autopsie aurait révéler des fractures, or, insiste maître Djamel Fodil le médecin légiste n'avait relevé que des griffures verticales sur la poitrine, sur les bras, outre la profonde blessure sur le haut de la cuisse gauche.
Et ici, l'avocat d'exploser:Madame la présidente, mesdames et messieurs de l'honorable tribunal criminel, la victime n'a jamais été tuée par quiconque.
La vérité est que, en tentant de fuir devant la menace d'une éventuelle raclée, le défunt s'était précipité du quatrième étage dont la façade n'était pas achevée.
En descendant le long de la façade de l'immeuble où se trouvaient des fer n°12 et autres broches d'échaffaudage le défunt a reçu un coup d'un morceau de fer qui a causé une profonde blessure d'où une hémorragie rapide car, la veine de la cuisse est l'une des plus sensibles de la circulation sanguine et s'en suivit une grosse perte de sang dans le noir....
L'avocat était tout en sueur, l'avocat termine en réclamant l'acquittement en lançant un large sourire en direction de maître Chraïet qui avait lui aussi plaider court en demandant l'acquittement. Le tribunal criminel décidera de ramener la peine de vingt ans à sept !


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