Noureddine Mezrag est un père de famille assis au box avec neuf autres accusés d'assistance à terroristes. Il risque la peine de mort requise par un Fadhli, le PG, dans son jour. Me Fodil, l'avocat de Mezrag, entre dans l'«arène» face à Tamri, cet exceptionnel juge dont le sang-froid et le professionnalisme sont à mettre dans la colonne de l'honneur de la profession. Le verdict, lui, est varié... La salle d'audiences du tribunal criminel de Bouira était, ce lundi, dans un état de désolation hors du commun. Dix accusés, dont Ouahiba, une jeune fille accusée d'être la «boîte aux lettres» des terroristes de la région de Lakhdaria (Bouira) suivent les durs débats, tout comme la douzaine d'avocats très nerveux, surtout après le rugueux réquisitoire de Fadhli qui a requis, sans état d'âme, la peine de mort pour tous les accusés, dont une bonne partie était des repentis peut-être poursuivis par leur sanglant passé, beaucoup plus meurtrier d'ailleurs. Un à un, les défenseurs ont crié leur déception. «Toute l'accusation tourne autour du P-V de la PJ», dira l'un. Un autre s'étalera sur les vices de forme de la procédure. Un avocat se posera la question si un jeune, qui a pris le risque de se mettre à dos ceux qui ne veulent ni de la loi de la rahma ni celle de la concorde nationale, puisse jouer avec le feu. Plusieurs avocats s'exclameront sur le fait que des jeunes d'une même famille soient poursuivis juste parce qu'ils avaient des proches dans les maquis. Me Hadadi et Me Chergui ont tout tenté pour arracher au moins l'acquittement au bénéfice du doute. La plaidoirie qui a fait mouche est celle de Me Fodil, qui a commencé par mettre dans sa poche les deux jurés avant d'«envelopper» les deux assesseurs, surtout Zahra qui traîne un passé riche en expériences diverses. Puis, avant de fixer Tahri, le président, qui a été très tolérant durant les cinq heures de débats, le massif conseil prend entre les «mâchoires» le rude réquisitoire du PG et le met en pièces. «L'honorable représentant du ministère public est venu, ce lundi, requérir la peine de mort à l'encontre d'un malheureux marchand ambulant, père de sept enfants, sans aucune preuve ni témoin. Même les neuf accusés ici présents ne l'ont jamais vu avant leur arrestation», s'est presque égosillé le défenseur, pourtant terrassé par une grippe du tonnerre. Ensuite, l'avocat rappelle que tout avocat se doit d'être prudent en plaidant. Il le fait bien puisqu'il assure les membres du tribunal criminel que son client devait être acquitté car il réside à 25 mètres de la brigade de la Gendarmerie nationale. «Soyons sérieux. Nous n'allons pas mouiller nos braves gendarmes», a presque ironisé Me Fodil, qui s'est demandé alors dans ce cas, s'il fallait poursuivre les éléments de la Gendarmerie nationale de complicité avec le voisin Mezrag ou de laxisme. «Non, non et non, a encore souligné le défenseur. «Ni mon client ni ses voisins gendarmes ne connaissent les groupes armés.» Malheureusement, dans la bande arrêtée, il fallait un commerçant, on a pris Mezrag et le tour fut joué. Le summum de la plaidoirie fut atteint lorsque le conseil a posé une question: «Quels sont ces groupes armés qu'aurait assistés Mezrag?» laissant le soin aux membres du tribunal criminel d'y répondre durant les délibérations. Enfin, et c'est là où l'acquittement de quatre accusés fut atteint, c'est au moment de clore son intervention que Me.Fodil a souligné que si la PJ a eu le courage de rédiger son P-V avec courage, il ne restait plus aux trois juges qu'à être à leur tour courageux et passer outre des pans entiers du réquisitoire, lequel repose sur un P-V d'un coup monté à l'encontre de Mezrag. Le tribunal criminel se retire et revient avec le verdict, ce verdict tant redouté par les parents et proches. Quatre acquittements, dont Mezrag et Ouahiba Meslem, heureux comme jamais ils ne l'ont été depuis vingt et un mois, le temps de la détention préventive et l'instruction. Quatre prévenus ont écopé de cinq ans de réclusion criminelle. Deux autres ont été condamnés à un an de réclusion dont un seul s'est vu être condamné à verser une amende. De toutes les façons, nous étions loin de la peine de mort, le tribunal criminel ayant jugé en son âme et conscience et donc en toute équité.