La wilaya d'Alger, par le biais de la direction de la gestion et du ramassage des ordures, vient de lancer un appel pour l'acquisition d'une vingtaine d'ânes afin d'aider les agents d'entretien dans le transport des ordures ménagères dans les quartiers «difficiles d'accès». Cette annonce, qui en a fait sourire plus d'un, a aussi suscité moult réactions, notamment sur les forums et autres sites internet. Certaines, dubitatives, ne comprennent pas qu'à l'ère des nouvelles technologies les pouvoirs publics n'aient pas trouvé plus «sophistiqué» comme moyen de transport. Pourtant, et comme le rappellent de nombreux intervenants, ce phénomène n'a rien d'original et encore moins de nouveau, puisque c'est le moyen de transport utilisé depuis des décennies, voire des siècles, dans les vieux quartiers piétons, particulièrement dans la mythique Casbah d'Alger. Cette activité est régie depuis quelques années par la société de nettoyage Netcom, qui loge son «parc» de baudets dans de vastes écuries, dans le quartier Climat de France. Deux étables sont imparties à cette escouade si particulière d'éboueurs, 18 dans l'un et 21 dans l'autre. Et ils semblent être entourés des meilleurs soins, d'autant plus que le «métier qu'ils exercent» n'est pas de tout repos, et qu'ils sont en contact permanent avec divers détritus. «Ils sont lavés et brossés tous les jours, et le vétérinaire permanent leur dispense quotidiennement les traitements appropriés, particulièrement pour prévenir l'apparition de puces, véritable menace pour leur bien-être», affirme le gardien de l'écurie, en désignant les animaux parqués dans leur box et faisant un festin du son qui déborde des auges. «De même, nous nettoyons les écuries au moins deux fois par jour, parfois plus en temps de grandes chaleurs», poursuit-il. Ce service de nettoyage compte une vingtaine d'employés qui effectuent ce ramassage en compagnie des baudets, à raison «de deux animaux par personne» et par brigade. «La première équipe effectue sa tâche de 6h à 11h. Ensuite la seconde équipe prend le relais de 13h à 16h», explique-t-il. «Les ânes font mieux leur travail que les hommes !» Et ce système de collecte des ordures ne se cantonne pas aux sombres et étroites ruelles de La Casbah, très difficiles à arpenter pour les éboueurs transportant des poubelles et impossibles d'accès aux véhicules motorisés des services de nettoyage. Netcom a ainsi étendu l'activité de ces troupes de baudets au quartier escarpé de Beau Fraisier. Toutefois, dans les ruelles de La Casbah, côté «bas» du quartier, les cartons, sacs et autres tas de détritus s'amoncellent. «C'est simple, cette partie de la ville donne, en contrebas, sur la route, et elle est, de ce fait, plus facilement accessible aux agents de nettoyage et de collecte des ordures. Les ânes ne sillonnent que les dédales de la haute Casbah», explique un habitant de cette rue, ajoutant, tout sourire : «Comme quoi, de nos jours, les ânes font mieux leur travail que les hommes.» Ce qui est sûr, c'est qu'en plus de l'aspect «pratique», voire «système D» de l'utilisation de baudets à ces fins, il y réside aussi un indéniable aspect écologique et environnemental. Et en cette Journée internationale de l'environnement, cette initiative, unique en son genre dans une grande ville, est à saluer. Et à méditer aussi. Car les ânes, qui malgré ce qu'on peut en dire n'en finissent pas de rendre service aux hommes, ainsi que leurs accompagnateurs, ne peuvent pas tout faire tous seuls et veiller à la propreté d'une ville. Force est de constater que les citoyens algériens ne font rien pour leur faciliter la tâche, tant ils ne font montre d'aucun civisme et qu'ils n'accordent aucune importance à la propreté de leur cité ou à un déroulement correcte du ramassage de leurs poubelles. «Tout le monde se plaint du fait que La Casbah, par exemple, est dans un état d'insalubrité innommable, et ils blâment les pouvoirs locaux de cette situation. Ce qui est en partie vrai. En partie seulement, car ses habitants et les Algériens en général ne possèdent pas cette culture de l'ordre et de la propreté des villes. Tant que les gens jetteront leurs ordures par les fenêtres, ces éboueurs à quatre pattes auront beau sillonner les rues à longueur de journée, rien n'y fera…», conclut, dépité, un natif du quartier.