On retrouve dans les gravures de Salah Hioun des personnages au regard troublant. Figés dans le mouvement, solitaires ou en groupe, l'immobilité de ses personnages leur confère une présence, une proximité, une identité étrangement familière. Un peuple d'êtres chauves, d'encre ou de terre, émouvants et déroutants. Salah Hioun est un artiste infatigable battant sur plusieurs fronts dans l'art pictural. Dans sa peinture à l'huile, des fragments de lumière jaillissent de l'obscurité, semblent flotter dans le vide puis disparaissent fugitivement, dessinant une calligraphie mystérieuse, comme un tableau gestuel en perpétuel mouvement. Ici, les spectateurs sont invités à s'immerger dans des oeuvres à l'allure de microcosmes. Ces tableaux créent véritablement des mondes poétiques en suspension, des espaces d'ouverture à l'imaginaire, des bulles méditatives. Elles aiguisent la perception sensitive et stimulent l'imaginaire de chacun des visiteurs, laissant le champ libre à la vision poétique de chacun. Loin d'être inerte ou statique, toute matière est un événement, une danse animée dans son apparente immobilité, une vibration, un rythme. Patient, minutieux, répétitif et commandé par un système prédéfini, le geste libéré de la responsabilité créatrice semble réclamer de nouveaux outils d'analyse, que pourrait induire sa ressemblance avec le geste de l'ouvrier... Anxiété Ses travaux font partie d'un processus d'interrogation, en éliminant ou en condensant la profondeur spatiale afin de créer un nouveau langage, ou plutôt différents dialectes, relatifs à la gravure et la lithographie. En plongeant à travers ces «interstices», les ombres qu'ils produisent perpétuent le processus du dessin, instable et continu. Ils déjouent le regard et s'évadent hors champ tout en générant des sensations variables; ils existent comme une vision nomade. Dans certaines créations, Salah Hioun introduit la couleur, dans des tons doux et harmonieux à l'image de son propos. Son œuvre devient ainsi reflets de ses sentiments et de ses interrogations. Né le 12 février 1936 à Collo, Algérie, il a suivi des études d'art libre à Limoges et Paris et des études artistiques à l'école des beaux-arts d'Alger. En regardant ses dessins, nous éprouvons une essence insaisissable d'un processus continu de dégradation assimilant la mémoire historique et l'expérience subjective comme dans le camouflage, non seulement au sens physique, mais aussi au sens culturel. Ses dessins, qu'ils soient sombres ou immaculés, oscillent dans un état d'anxiété entre la perte imminente et le désir. Un ouvrage sur la vie et l'œuvre de cet artiste a été réalisé par le ministère de la culture.