Arrêté en 2004 au Pakistan, Ahmed Ghaïltani, ressortissant tanzanien, est le premier prisonnier de Guantanamo à passer devant la justice civile des Etats-Unis depuis l´ouverture du centre de détention de la honte par George Bush au lendemain du lancement, en 2001, des opérations militaires américaines contre les taliban en Afghanistan. Devant le tribunal de Manhattan, il s´est dit innocent des accusations d´implication dans les attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya, au mois d´août 1998, qui lui ont valu un séjour en enfer de plus de 5 ans. Pour le procureur américain, Erle Holder, l´accusé nie en bloc sa responsabilité dans la mort des 220 membres du personnel des ambassades et ressortissants des deux pays africains d´accueil. Sur son bureau, un dossier qui comporte 226 chefs d´inculpation contre ce «membre actif d´Al Qaïda» de Osama Ben Laden dont il fut l´un des gardes du corps. Ce procès alimente déjà le débat au sein de la classe politique américaine qui ne voit pas, côté républicain, d´un très bon œil la décision de Barack Obama de fermer le centre de détention de Guantanamo. Les républicains ne seraient pas seuls à contester ce choix, puisque dans sa majorité, en avril dernier, la chambre des Représentants a refusé au président Obama les crédits nécessaires à la fermeture de cette prison. Certains sénateurs ont vu dans le transfert de Ghaïlani devant la justice des Etats-Unis, «la voie ouverte vers l´importation des terroristes en territoire américain». Pour Obama «empêcher le transfert des prisonniers aux Etats-Unis, c´est empêcher la justice de faire son travail». En vérité, les Américains ne veulent ni de Guantanamo ni de ses prisonniers qui ne sont plus que 241, alors que leur nombre était le triple il y a quelques années. Ils sont issus d´une trentaine de pays. Le président Obama a devant lui encore 7 mois pour tenir son engagement de fermer ce centre de détention et traduire les détenus devant un juge civil. Les procès pourraient également avoir lieu devant des tribunaux d´exception puisque le chef de la Maison-Blanche, à la surprise générale, a plaidé, le mois dernier, pour la réforme de ces institutions d´exception qui n´ont pas, logiquement, leur place dans un système démocratique. C´est de cette décision inattendue qu´est née la première déception des organisations civiles qui ont tant misé sur le nouveau président américain. Le geste de Sarkozy envers Obama Devant l´hostilité du Congrès, Obama a tenté de convaincre le plus grand nombre de pays occidentaux, l´Union européenne surtout, de recevoir le maximum de détenus libérables de Guantanamo. La France vient d´accueillir l´Algérien Lakhdar Boumediene, le premier à obtenir en Europe le statut de libérable de Guantanamo, sans qu´il soit français ou résident dans ce pays. Un double geste de Sarkozy envers Obama. L´Espagne ne va pas, a priori, tarder à emboîter le pas à la France. Son ministre des Affaires étrangères a fait part, dès le début, de l´acceptation de son pays de recevoir quelques-uns des prisonniers «islamistes», après examen au cas par cas. Les Algériens, 5 ou 6, auraient exprimé leur préférence pour ce pays. Les responsables des organisations humanitaires encouragent l´Europe à afficher son humanisme. A leur têteThomas Hammarberg, responsable du Conseil européen (CE) des droits de l´homme, qui a demandé, mardi, aux gouvernements européens d'accueillir les quelque 50 détenus de Guantanamo libérables, selon la justice américaine, et qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d´origine. Dans une lettre adressée aux gouvernements des 47 pays membres du CE, M. Hammarberg a indiqué que «ces prisonniers originaires d´Algérie, de Tunisie, de Syrie, des Territoires palestiniens, de Libye, de Chine, de Russie, du Tadjikistan, d´Ouzbékistan ont besoin d´une protection internationale parce qu´ils courent le risque d´être torturés par leurs Etats d´origine». D´autres, a-t-il ajouté en parlant des Palestiniens, «n´ont même pas d´Etat». En début du mois, les «27» avaient annoncé qu´ils acceptaient d´accueillir «plusieurs dizaines» d´ex-détenus de Guantanamo.