Les agressions sexuelles demeurent un tabou. Maltraitance, agression, violence, prostitution, l'enfance, cette frange vulnérable de la société, vit au quotidien un calvaire multiforme. Des constats alarmants sont souvent établis par les services de la Gendarmerie nationale ou de la Sûreté nationale qui «mettent à nu», ces maux «endémiques» qui frappent de plein fouet des êtres sans défense et prouvent encore une fois, si besoin est, que la prise en charge de ces «maux sociaux» est d'une urgence extrême qui nécessite l'implication de tous pour un tant soit peu juguler ces fléaux dont certains demeurent encore tabous. Quid des violences sexuelles sur les mineurs, cette deuxième forme de maltraitance sur l'enfant de par son ampleur, d'après les enquêtes effectuées et par la Gendarmerie et par la Sûreté nationale ? Le poids des traditions aidant, c'est la loi de l'omerta qui entoure cette question, de l'avis même des spécialistes. «C'est difficile de faire parler un enfant sur une agression sexuelle. Les enfants n'en parlent pas. Ce sont des choses intimes. Voilà pourquoi nous avons encore du mal à traiter ce genre d'affaires» reconnaissait il y a peu Mme Messaoudène, commissaire principale, chef de bureau de la protection de l'enfance et de la délinquance juvénile, à la direction de la police judiciaire. Combien de fois n'a-t-on pas en effet tiré la sonnette d'alarme sur la prostitution infantile en particulier et d'autres atteintes sexuelles sur les mineurs ? L'avocate Fatima Benbrahem est même allée jusqu'à appeler via la radio «à ouvrir et à réglementer des maisons closes afin d'organiser la prostitution». Une façon, avait-elle considéré, de protéger les enfants de la prostitution forcée. Ses propos avaient alors, comme il fallait s y attendre, suscité une vive polémique et soulevé l'indignation de la classe politique. Sujet tabou certes, mais il faut bien dépasser le stade des appréhensions et prendre le phénomène à bras-le- corps car les chiffres avancés à propos des violences sur les mineurs sont effarants. Il existe aussi un arsenal juridique destiné à protéger l'enfant de toute forme de violence et d'exploitation qu'il faut mettre en application avec toute la rigueur de la loi. Ceci bien évidemment, faut-il insister, avec le concours de tous, parents, société civile, écoles, institutions… car notent à juste titre les différents réseaux et autres institutions impliqués dans cette opération, «il y a une passivité à tous les niveaux.» Des réseaux comme Nada, le croissant-Rouge algérien (C-RA) ou encore des associations tentent tant bien que mal d'investir le terrain de la sensibilisation, en organisant périodiquement des campagnes et autres tables rondes pour alerter l'opinion sur les dangers qu'encourt l'enfant, mais le phénomène des violences sexuelles prend de plus en plus d'ampleur. En témoigne le chiffre de 805 cas d'agressions sexuelles avancé par la DGSN. Ceci sans prendre en compte les nombreux cas non signalés d'inceste qui demeure «une affaire de famille», d'attouchements sexuels sur mineurs dans les écoles mais aussi dans les foyers. Il faut élargir la loi, a estimé Mustapha Khiati, pour protéger nos enfants.