Le dramaturge Slimane Benaïssa interpelle le chef de l'Etat sur le cas de son fils, Mehdi, directeur de KBC, emprisonné dans le cadre d'une enquête sur le contenu de deux émissions satiriques. «En ces jours sacrés de fin de Ramadhan, entre la nuit du Destin et l'Aïd El-Fitr, jour de paix et de réconciliation, je suis un père inquiet et en colère. Inquiet parce que mon fils, Mehdi Benaïssa, est en prison, en colère parce que je ne sais pas exactement pourquoi». C'est ainsi qu'a entamé le dramaturge sa lettre adressée au président de la république, publiée dans l'édition d'hier du quotidien Le Soir d'Algérie. Slimane Benaïssa déplore la politisation de l'affaire et craint l'instrumentalisation de la justice. «Certes, j'ai confiance en la justice de mon pays et mon devoir même est d'être à son service. Mais quand beaucoup de mes proches et de moins proches me disent : ‘'Il n'y a que ceux qui l'ont arrêté qui peuvent le relâcher'', là j'ai peur, très peur», a écrit le dramaturge. Il conclura sa missive en interpellant Bouteflika en ces termes : «certain de votre grandeur d'âme, de votre générosité et de votre soif de justice, je vous adresse en toute confiance cette lettre, convaincu de l'attention que vous lui accorderez.» L'auteur de la pièce Babor Ghraq défend le directeur de KBC de toute implication dans un jeu politique et de toute démarche s'inscrivant dans le cadre de la lutte des clans. «Certains disent que c'est politique, d'autres affirment que ce n'est qu'administratif. Si les fautes sont administratives, qu'on le sanctionne administrativement et qu'on ne limite pas sa liberté. Si elles sont politiques cela m'intrigue et m'interpelle : quelle politique mon fils fait-il, au nom de qui, au nom de quoi ?», s'est-t-il emporté. «Mon fils ne fait pas de politique, ni pour les uns ni contre les autres. C'est sa jeunesse, sa compétence, sa modernité qui sont hautement politiques et rien d'autre», a-t-il affirmé. L'auteur de la lettre explique que «notre société ne comprend pas sa jeunesse», ajoutant que la génération de Mehdi Benaïssa a des aspirations éthiques, ne revendiquant et ne défendant que les valeurs qui lui permettront de s'épanouir et de se réaliser dans la société. «Cette génération n'a d'autre ambition que de s'inscrire pleinement dans le monde, dans son époque, et pour cela, elle veut moraliser la vie sociale et politique : les uns par l'Islam, les autres par le respect de la loi et la démocratie. Les uns ont pris le maquis, les autres se font emprisonner», a-t-il souligné. Il expliquera que les jeunes d'aujourd'hui s'embourbent dans le reste des conflits historiques de leurs grands-pères, tout en essayant de résoudre les problèmes de leur avenir, de leur devenir. «Quand on dit que mon fils fait de la politique (au sens où ceux qui l'accusent l'entendent, à savoir qu'il fait le jeu de tel clan par rapport à tel autre), on ne s'imagine pas qu'il faut le mettre dans une machine à reculer le temps pour qu'il en soit capable», poursuivra le dramaturge qui affirme que la nouvelle génération s'est inscrite dans une autre notion de temps que la génération de la guerre d'Indépendance. «Ils sont les enfants des réseaux sociaux et du numérique, ils parlent une autre langue que nous et nous devons apprendre à la parler si nous voulons continuer à communiquer avec eux. Nous devons être attentifs à leur humour, à leur rire, à leur manière de porter la dérision pour mesurer leur niveau de douleur et non de méchanceté. On ne peut pas les juger de manière décalée, dépassée. Cette façon de faire est en tout état de cause injuste, simplement par le fait qu'elle est historiquement anachronique», a-t-il écrit.