Le Temps d'Algérie : L'Association RAJ tient, chaque année, à commémorer les événements du 5 octobre 1988. Que représente, aujourd'hui, cette date aux yeux de vos militants ? Abdelouahab Fersaoui : Les événements du 5 octobre 1988 représentent pour nous un moment historique de l'Algérie indépendante. Malgré le sang qui a coulé, il a permis à l'Algérie de passer du parti unique au pluralisme politique, c'est un deuxième acte de naissance de l'Algérie, après l'indépendance. Il faut toujours se rappeler, que si le RAJ aujourd'hui existe, si la partis politiques, les syndicats autonomes et la presse plurielle existent, c'est grâce à ces jeunes d'octobre 88, qui ont manifesté et exprimé leur ras le bol. Malheureusement, on n'a pas donné assez d'importance à ce mouvement. Commémorer les événements du 5 octobre, c'est un devoir pour la mémoire et contre l'oubli. Le meilleur hommage qu'on puisse rendre à ces victimes, c'est de continuer le combat pacifique pour, tout d'abord, sauvegarder les acquis d'octobre et, ensuite, en arracher d'autres. En d'autres termes : lutter de manière permanente pour un Etat de droit et de démocratie, notamment dans ce contexte à la fois national et régional inquiétant. D'ailleurs à cette occasion, je réitère la demande du RAJ de baptiser la journée du 5 octobre comme «Journée nationale de la démocratie». Les acquis de cet événement, sont-ils à l'heure actuelle préservés ? Malheureusement, le rêve d'une Algérie libre et démocratique, né juste après les événements tragiques d'octobre 88, n'a pas duré longtemps ; il est toujours d'une suite interrompue. On assiste aujourd'hui, à un recul énorme en matière de libertés démocratiques, des restrictions des espaces de liberté, des violations des droits humains, des lois liberticides à l'image de la loi 12/06 relative aux associations... Ce recul représente un danger pour le pays, car le socle d'un Etat de droit fort, souverain et immunisé de tous les dangers, de l'intérieur et de l'extérieur, sont les libertés démocratiques. Si le pouvoir continue sa fuite en avant de la réalité que vivent les Algérien(ne)s, il y a risque d'une explosion sociale. Pour cela, nous devons tous nous organiser, chacun à son niveau, pour réaliser le rêve d'une Algérie libre et démocratique, où le citoyen algérien peut exercer pleinement sa citoyenneté et vivre dans la dignité. En tant que jeunes militants au sein du RAJ, quelle lecture faites-vous du processus démocratique en Algérie ? La responsabilité de l'échec du processus démocratique incombe, en premier lieu, au pouvoir qui n'a pas la volonté politique d'aller jusqu'au bout. Il a, de tout temps, étouffé et cassé, d'une manière ou d'une autre, toute mobilisation et initiative citoyennes, et imposé une façade démocratique, qui ne reflète pas la volonté et qui ne répond pas aux attentes et aspirations des Algériennes et des Algériens. Le défi d'aujourd'hui est de conjuguer nos efforts et de créer des synergies nécessaires, pour constituer un rapport de force afin d'amorcer un vrai processus démocratique, avec la participation de toutes les forces vives mettant l'intérêt général du pays pour un Etat de libertés, toutes les libertés, de démocratie et de droit, au dessus de toute autre considération. Quel rôle doivent jouer la classe politique, les associations et l'élite pour renforcer ce processus ? La force du pouvoir réside dans notre faiblesse et dans notre division. Il cherche à gagner du temps et ne se soucie que de sa pérennité. Face à la crise multidimensionnelle qui frape le pays, et face à l'absence de volonté du pouvoir d'aller vers un changement consensuel, les partis politiques démocratiques, les organisations de la société civile autonomes et l'élite consciente des dangers qui guettent le pays, sont appelés à doubler leurs efforts et à revoir leur stratégie et leur discours, en se rapprochant davantage du citoyen, afin de gagner sa confiance et de créer, comme je l'ai dis, un rapport de force nécessaire dans la société, à même d'amorcer un véritable processus démocratique.