La problématique de la gestion des collectivités locales ressurgit avec la tenue de la rencontre Gouvernement-walis les 12 et 13 du mois en cours. Après 15 ans d'embellie financière, durant lesquels les wilayas du pays comptaient sur des budgets provenant de la rente pétrolière, le gouvernement demande, désormais, aux responsables locaux de se débrouiller pour trouver des sources de financement. Une mission presque impossible, pour plusieurs raisons dont le manque de prérogatives des élus locaux, le poids de la bureaucratie, de l'informel, de la corruption et du clientélisme. Pour faciliter «la transition», le gouvernement a décidé de réformer la fiscalité locale et de réviser les codes de la commune et de wilaya. En revanche, il demande aux élus et responsables administratifs d'attirer les investisseurs et de contribuer au budget de l'état. Le ministre de l'Intérieur a soutenu que «désormais, il ne faut plus compter sur le trésor public pour la réalisation des différents projets en cours, car la conjoncture économique et financière ne le permet pas». Parmi les recommandations de la rencontre gouvernement-walis, figurent celles portant sur l'adaptation des codes communaux et de wilaya pour répondre aux exigences du service public, plus de prérogatives aux walis dans la gestion des investissements locaux, et la nécessité de renforcer le rôle des collectivités locales dans l'accompagnement de l'investissement local. Mission difficile Il a été proposé d'accorder aux walis plus de prérogatives dans la gestion des investissements, notamment en ce qui concerne la décentralisation des décisions relatives à l'approbation des projets d'investissement et à l'attribution du foncier industriel. Mais les élus locaux se plaignent des nombreux obstacles, qui entravent leur mission. L'immixtion de l'administration dans leur travail, ainsi que les risques de poursuites judiciaires pour la moindre dénonciation «infondée» limitent considérablement leur «volonté» de changer bien des choses. Des spécialistes dénoncent l'absence d'une réelle volonté politique, d'accorder de vraies prérogatives aux élus et aux responsables locaux pour mener à bien leur mission. Les thèmes liés à la bureaucratie sont abordés depuis des dizaines d'années, mais la réalité reste toujours la même. «Il est difficile de répondre aux préoccupations des citoyens, à cause des lenteurs de procédures, allant de l'inscription des projets à la réalisation, en passant par le lancement», explique Arab Tebakh, maire de la commune Mechtras (Tizi-Ouzou). La maffia, aussi, se mêle à la gestion des affaires des communes, bénéficiant de complicités aux niveaux local et central.Il y a également cette peur noire, de se retrouver en prison pour avoir signé une décision. Dans de nombreuses wilayas, les budgets ne sont pas consommés. La pénalisation de l'acte de gestion est une véritable épée de Damoclès, qui menace les élus et les autres responsables locaux. Prérogatives réduites élus et représentants de l'administration se plaignent des restrictions de leurs prérogatives et demandent, davantage, de décentralisation. Le gouvernement réduit la décentralisation à la création des wilayas déléguées et l'amélioration du service public. Or, l'amélioration de ces services est un droit des citoyens et un devoir des pouvoirs publics qui n'a aucun rapport avec une quelconque décentralisation. La vraie décentralisation est celle recommandée par la commission Missoum Sbih, à savoir une véritable régionalisation. Et même avec les prérogatives que le gouvernement compte céder aux élus, en vue de chercher des financements au fonctionnement de leurs collectivités, Mohamed Amokrane Zoreli, enseignant en économie à l'université de Béjaïa, estime que «l'état compte, sous la contrainte financière, se débarrasser des budgets des collectivités locales, en leur donnant des prérogatives sans moyens, alors que les collectivités soulignent justement la faiblesse de leur budget». «L'état veut rendre les collectivités responsables des mécontentements à venir, des citoyens relatifs aux insuffisances en matière de services publics notamment», a-t-il soutenu (lire l'interview de Karim Benamar). Selon lui, les performances au niveau régional, sont tributaires de l'existence d'une assemblée régionale, constituée de meilleures compétences de la région, élues démocratiquement, à base d'un projet et des objectifs à réaliser. 958 communes sur 1 541 sont pauvres: Comment résorber la précarité ? Le gouvernement a décidé de «responsabiliser» les élus locaux dans la quête de financements des communes, alors que plus de 60% de ces dernières sont classées pauvres. A vocation agricole, pour la plupart, il est difficile pour ces communes, de tirer des dividendes d'une «fiscalité» locale inexistante et au regard de la loi qui enfonce encore le clou à l'instar de la réduction de la Taxe pour l'activité professionnelle (Tap) dont de 2 à 1% (58% des ressources communales fiscales proviennent de la seule Tap). Le gouvernement qui a dû se rendre compte de son «erreur», a d'ailleurs décidé de réviser le code communal pour donner sûrement aux élus plus de prérogatives. Selon une classification faite par ce ministère de l'Intérieur, basée sur un ratio de richesses prenant en compte les ressources de la commune et sa population, 62% des communes (958) sont classées pauvres en 2015, contre 31% (480) classées moyennes et 7% (103) sont considérées comme riches, a fait savoir le directeur des finances locales à la Direction générale des collectivités locales de ce ministère, Azzedine Kerri. Selon lui, l'une des caractéristiques principales de ces communes classées pauvres est qu'elles sont toutes à vocation agricole ou pastorale. Ces communes pauvres ne vivent en réalité que grâce aux fonds et autres caisses de l'Etat notamment la Caisse de garantie des collectivités locales (ex-Fccl). Ces fonds servent à couvrir les dépenses obligatoires des collectivités locales. Les autres subventions de l'Etat étant dérisoires, les projets d'initiatives locales qui peuvent être financés, donc ne pourraient voir le jour. Certaines «bonnes initiatives» ont été lancées comme celle consistant à organiser les communes dans une sorte de forums où élus et responsables locaux peuvent s'échanger les idées. Certains ont même proposé que les communes riches «aident» les communes pauvres, mais ce genre de projets n'a pas dépassé le stade de… projet, même si cette disposition existe dans la loi de finances 2015.