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Ttun tamazight nni...
Publié dans Le Temps d'Algérie le 11130

On est bien obligé de faire un bilan d'étape de la première année de la constitutionnalisation de tamazight en tant que deuxième langue officielle de l'Algérie. Passons sur son déclassement sémantique dans la loi fondamentale qui a érigé la langue arabe en tant que «langue officielle de l'Etat», comme si l'Etat devait en avoir une…
On devine aisément l'insupportable sentiment de certains tenants de l'arabisme pur et dur de voir alignée tamazight langue ancestrale de cette terre d'Algérie, aux côtés de l'arabe qui, elle, a été emballée dans le package de l'expansion islamique au Maghreb. Assurément, le nouveau statut de tamazight est lâché au forceps. Avec la mention à suivre…
Mais, une année après, force est de constater que ce cadeau forcé, qui répondait davantage à un impératif de survie du régime, n'a pas vraiment donné corps à une prise en charge effective de tamazight.
A croire que ce statut officiel gravé dans le marbre de la Constitution se suffisait de lui-même. Comme un simple effet d'annonce qui devait servir de soubassement argumentaire aux formules incantatoires des pouvoirs publics pour déconstruire la rhétorique de ceux qui ont porté le combat, des décennies durant, pour que tamazight soit reconnue chez elle.
Il y a manifestement tromperie sur la marchandise. A la volonté soi-disant d'extraire cette revendication de l'exploitation politicienne, s'est greffée une tentation de la banaliser. Qu'est ce qui a donc changé depuis une année que tamazight a acquis le statut officiel ? Pas grand-chose mis à part la célébration nationale et à grand renfort médiatique du nouvel An amazigh 2967, Yennayer. Mais ce moment de communion, qui confine au folklore, paraît bien démesuré par rapport à ce qui est censé être une réappropriation d'un élément fondateur de l'identité nationale.
Eh oui, on n'a pas jugé utile et opportun de décréter Yennayer journée nationale chômée et payée comme le sont Mouharram et le 1er Janvier. Et c'est vraiment dommage ! La fête a été gâchée par cette attitude d'arrière-garde qui met entre guillemets la sacro-sainte volonté politique.
Où est donc cette fameuse académie promise par la nouvelle Constitution et sans laquelle la promotion de tamazight et son développement ne serait au mieux, qu'une plaisanterie et au pire une mauvaise foi ?
Faut-il rappeler ici que le président de la République avait promis, lors de son discours en mai 2001, en plein printemps noir, de créer cette institution. Seize ans plus tard, l'académie se fait encore désirer alors que tamazight est bombardée langue officielle !
Même dans l'environnement institutionnel et sonore, le nouveau statut ne s'affiche pas ; à quelques rares exceptions. Que ce soit dans les administrations, dans les tribunaux, dans les avions d'Air Algérie ou sur les plaques de signalisation, tamazight n'a pas droit de cité. Il n'est pas sûr que nos compatriotes arabophones aient appris quelques mots en tamazight depuis une année.
Le Haut-commissariat à l'amazighité - qui reste sans président depuis le décès d'Idir Aït Amarane en 2006 - tente, dans les limites de ses prérogatives et de ses moyens, de faire avancer la cause. Mais cette institution reste institutionnellement et culturellement un Commissariat.
A l'impossible nul n'est tenu et toute la bonne volonté de Si El-Hachemi Assad ne pouvait pallier le chantier d'Hercule qui attend tamazight dans son cheminement tortueux vers sa modernisation et sa généralisation. La mise en place d'une académie scientifique est indépassable dès lors que le travail de standardisation, de transcription et, forcément, d'enseignement en dépendent. Qu'est-ce qui bloque alors ? Bonne question. On peut juste reprendre le refrain de feu Matoub Lounes : «Ttun Tamazight nni…»


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