Ayant boycotté les prochaines élections législatives, Jil Jadid ne croit plus au travail commun au sein de l'opposition réunie autour de l'Icso.Son président, Soufiane Djilali, explique comment les uns et les autres ont tourné le dos à la plate-forme de Mazafran. Contre Abderrezak Makri notamment, il ne mâche pas ses mots. Cette opposition, dit-il, aura perdu tout son crédit. Le Temps d'Algérie : Vous avez appelé Abderrezak Makri à quitter l'Icso, alors qu'il s'agit de votre partenaire depuis 2014. Pourquoi ce revirement ? Soufiane Djilali : La question du revirement, c'est à lui qu'il faut la poser. En effet, je rappelle que l'Icso s'était constituée à la suite de la réunion de Mazafran. Nous étions tous sur une position claire et nette pour dénoncer le pouvoir que nous avions considéré comme illégitime. Nous avions demandé des élections présidentielles anticipées avec le préalable d'une commission indépendante pour le processus électoral. Nous voulions une constitution de consensus. Tout cela signifiait une approche négociée entre un pouvoir de fait (nous l'avions ainsi qualifié) et l'opposition réunie autour de la plate-forme de Zéralda. Nous dénoncions par ailleurs la mauvaise gestion du pays, la faillite économique et l'ampleur de la corruption. Qu'avons-nous obtenu comme concessions de la part du pouvoir ? Rien, absolument rien. Au contraire, il y a eu aggravation dans tous les domaines : une nouvelle constitution imposée, des lois électorales qui excluent de fait les partis en dehors de ceux affiliés au pouvoir, l'aggravation de la corruption, des actes liberticides, la fermeture des médias publics etc. Théoriquement, les positions du pouvoir et de l'opposition se sont encore plus éloignées. Et pourtant, le discours du MSP et des autres maintenant, c'est de participer aux élections et revenir au gouvernement. Qui a changé de 180° sa position ? C'est à lui alors de s'expliquer, pas à Jil Jadid qui est resté fidèle à ses positions. Le MSP qui parle d'un gouvernement d'union nationale pose pourtant quelques conditions, comme la transparence des élections et les garanties d'une transition démocratique. Cela ne vous semble pas raisonnable ? Vous savez comme moi qu'il s'agit d'une simple rhétorique pour tromper les gens. Dans ce cas, il ne fallait pas demander des concessions, puisque en retour, au premier coup de sifflet, on a tout abandonné. Ce que le pouvoir n'a pas donné sous la pression de l'ensemble de l'opposition, vous croyez qu'il en fera cadeau au MSP ? C'est soit de la naïveté soit de la mauvaise foi. Vous savez, nous avions accepté de travailler avec le MSP, car il avait quitté le gouvernement en faisant repentance. Il avait changé de dirigeants et adopté un discours d'opposant. Mais au final, tout cela n'était qu'un subterfuge pour se donner une nouvelle image plus crédible. Au premier tournant, il a abandonné l'opposition et court maintenant derrière les sièges ministériels. De toutes façons, s'il veut réintégrer le gouvernement, il devra assumer l'ensemble des mandats du pouvoir actuel puisqu'il a fait partie du gouvernement de Bouteflika depuis 1999. Et là, il y a à dire… Maintenant que la majorité des partis de l'Icso a décidé de prendre part aux élections, à l'exception de Talaie El Hourriyet, allez-vous continuer à siéger avec eux ? Malgré les dénégations des uns et des autres, l'Icso est finie. Je ne sais pas comment son enterrement sera célébré, mais c'est une question qui sera résolue au plus tard après les élections législatives. Si les participants auront un quota satisfaisant, ceux parmi eux qui iront au gouvernement sortiront en fait de l'Icso. Si, par contre, la fraude leur sera fatale, alors ils reviendront dans le camp de l'opposition pour s'offusquer de la malhonnêteté du pouvoir. Mais ce sera trop tard. A force de «manger avec le loup et de pleurer avec le berger», cette pseudo opposition aura perdu tout son crédit. On estime que votre boycott est dicté par les nouvelles dispositions de la loi électorale, notamment l'article 94 qui impose 4% des suffrages ou un certain nombre de signatures que Jil Jadid n'est pas en mesure de satisfaire, faute d'ancrage populaire. Oui, je connais ces faux arguments. Ces attaques ne nous complexent pas. C'est au peuple souverain dans un scrutin libre auquel revient le droit de juger de la crédibilité des uns et des autres. Par contre, je peux vous rappeler que Jil Jadid avait annoncé son retrait de la CLTD le 3 Juin à cause de la fuite en avant de cette dernière et la décision déjà arrêtée de la plupart de ses membres d'aller aux élections dans tous les cas de figure. Personne ne parlait alors de la loi électorale. Les ex-partenaires de la CLTD connaissaient la position de Jil Jadid depuis plusieurs mois. Celui qui dit le contraire est un menteur. Ne craignez-vous pas pour l'avenir de Jil Jadid, puisque vous serez encore confrontés à cette même loi lors de futures échéances électorales ? Je ne sais pas ce que nous réservera l'avenir. Cela fait 5 ans que nous travaillons sans députés ni subvention. Cela nous a-t-il empêché de dire notre mot dans ce qui se passe sur la scène politique ? Jil Jadid est jeune. Il est formé d'une noria de cadres compétents, intelligents et généreux. Ils veulent contribuer au véritable changement que désire la société. Cela demande des sacrifices et des efforts. Nous sommes dans l'obligation morale de faire ce travail, nous ne nous sentons pas obligés, par contre, de réussir dans l'immédiat. Nous travaillons pour l'Algérie, pas pour nos intérêts personnels. Vos partenaires de l'Icso estiment qu'une opposition au sein du Parlement aura plus d'incidences dans l'intérêt du citoyen et permettra de mettre la pression sur le pouvoir. On entend ce discours depuis des lustres. Qu'ont-ils fait au sein du Parlement ? On aimerait bien voir combien ils sont forts maintenant ! Permettez-moi de vous dire que c'est un argument ridicule. Quant au gouvernement, j'aimerais bien connaître le bilan des ministres de ces partis. Les partis islamistes ont scellé des alliances pour aborder, en bloc, les législatives, et probablement en prévision d'une fusion ultérieure. Croyez-vous en les capacités de ce courant à faire face aux partis du pouvoir ? Absolument pas. Tout le monde sait que cette opération a été menée avec le concours du pouvoir. Croyez-vous un instant que c'est pour mieux les libérer et les fortifier ? Pour favoriser la démocratie ? Pour leur donner les moyens de devenir plus forts que les autres partis du pouvoir ? Tout le monde sait que les partis sont des appareils. Leurs chefs sont nommés et dégommés selon le bon vouloir du prince. Ils sont là, juste pour faire office de vitrine et faire croire aux gens qu'il y a quelque chose qui s'appelle le multipartisme. En retour, ils bénéficient de bons salaires, de quelques honneurs et d'un rôle dans un film cauchemardesque pour le reste des Algériens. Jil Jadid fait, donc, partie de ce film ? Non, je parlais plutôt des appareils affiliés au pouvoir et ceux qui veulent bien jouer la comédie de ce pouvoir. Je ne visais pas l'ensemble des partis bien entendu et encore moins Jil Jadid. Vous n'allez pas regretter votre boycott des élections ? Absolument pas ! Bien au contraire, c'était la meilleure décision à prendre. Désormais, nous préparons notre congrès pour le 25 février et c'est un moment qui va être important pour nous. C'est l'occasion d'adopter le projet de société et de clarifier les positions doctrinaires. Notre agenda est totalement autonome car nous avons notre plan de travail et comment développer le parti. Mais nous allons quand même continuer à prendre position et à nous exprimer sur des thèmes d'actualité, dont les élections.