Tous les moyens sont bons pour convaincre. Telle est la nouvelle stratégie des agences publicitaires pour vendre les produits de leurs clients. Depuis quelque temps, des spots publicitaires à caractère violent défilent sur les écrans de télévision. On peut citer l'exemple de cette publicité pour une marque de tomate concentrée sur laquelle on voit un sultan ottoman ordonner à ses gardes–en joignant le geste à la parole– d'égorger un cuisinier abusant d'un plat préparé à base de cette tomate objet de la publicité. Le comble, c'est que cette publicité qui passe en boucle, n'échappe sûrement pas au regard curieux et amusé des enfants. Mais comment ces publicités ont-elles pu être diffusées sans que leurs contenus soient contrôlés ? Où sont passées les autorités publiques et les organismes censés veiller au respect de l'éthique dans l'audiovisuel ? Vide juridique L'Association de protection et d'orientation des consommateurs (apoce) dénonce un vide juridique dans ce domaine. «Il n'y aucun organisme dédié au contrôle du contenu publicitaire en Algérie», déplore Mustapha Zebdi, président de l'APOCE. Ce qui peut s'avérer dangereux quand on sait que le contenu publicitaire peut avoir une grande influence sur l'attitude des consommateurs, qu'ils soient majeurs ou mineurs. «Il est urgent de réglementer le domaine de la publicité, car plusieurs dépassements ont été relevés ces dernières années», a ajouté notre interlocuteur. Et par dépassement, M. Zebdi, entend la publicité mensongère qui peut mettre la santé du consommateur en danger. Il cite à titre d'exemple la publicité sur le lait du premier âge, alors que «dans la législation, il est interdit de faire la promotion d'une marque de lait pour nourrissons». «Il a fallu plusieurs plaintes de l'APOCE pour que cette publicité soit enfin retirée», a indiqué M. Zebdi. Notre interlocuteur a également évoqué l'arnaque à laquelle se prêtent certains opérateurs de l'agroalimentaire qui se vantent d'être numéro un en Algérie. «Sur quelle base peuvent-ils assurer qu'ils sont leaders ? C'est un pur mensonge, car ils ne citent aucune enquête ni sondage pouvant attester de la qualité de leurs produits». A cet effet, l'APOCE appelle à la mise en place d'un comité au niveau du ministère de la Communication pour le contrôle du contenu publicitaire. «C'est inadmissible ! Il ne faut pas se taire devant cette anarchie», a-t-il martelé. Surtout avec l'apparition de plusieurs chaînes de télévision privées et de différents sponsors qui sont capables de tout pour embellir leur image et gonfler leurs chiffres d'affaires. Le crime est banalisé Pour connaître l'impact des publicités à caractère violent sur la société, nous avons contacté Mme Zohra Fassi, inspectrice et spécialiste en sociologie. Elle tire la sonnette d'alarme sur l'anarchie qui règne dans le domaine de l'audiovisuel en général, particulièrement la publicité. Un outil qui a une grande influence sur la population. Une influence dangereuse, selon elle, car les spots publicitaires ont un caractère répétitif et passent plusieurs fois par jour à la TV. «Les messages que véhiculent ces publicités ne peuvent pas échapper aux enfants accros de télévision, car ils doivent patienter pour poursuivre la suite du programme», a expliqué notre interlocutrice. Commentant la publicité sur la tomate concentrée, Mme Fassi fera savoir que son contenu a été rejeté par la plupart des familles algériennes. «Je ne vois pas ce que la tomate a à voir avec des gestes de violence», nous a-t-elle-dit. C'est la preuve selon elle que le contenu publicitaire n'est pas contrôlé. La sociologue a cité une autre publicité qui encourage la violence entre les jeunes. Il s'agit de celle qui fait la promotion de la marque d'un gâteau algérien. «Sur ce spot l'on aperçoit des enfants qui se bagarrent pour un biscuit. C'est inacceptable d'encourager la violence entre les enfants», a-t-elle déploré. Outre les publicités, la spécialiste a évoqué des émissions qui banalisent le crime. Il s'agit de celles diffusées sur certaines chaînes de télévision privées qui relatent dans le détail le déroulement des crimes et leurs circonstances. «Parfois, il y a même des scénarios choquants», a-t-elle souligné. Selon Mme Fassi, ce genre d'émission n'a aucune utilité pour la société du moment qu'elles n'enseignent rien. «Elles n'apportent aucune solution à la criminalité. Pire encore, le meurtre est banalisé à travers ce genre de programme», a-t-elle estimé.