Mercredi dernier, la chaîne de télévision Ennahar a choisi comme personne à piéger, le grand écrivain Rachid Boudjedra pour l'humilier par le biais de son émission de caméra cachée intitulée Rana Hkemnek (on t'a eu). Rachid Boudjedra, qui croyait être invité dans une émission culturelle sérieuse, a accepté de répondre à la première question de l'animateur en parlant des idées de Jean-Paul Sartre, et c'était le seul tort de l'écrivain qui ne savait pas que le niveau des concepteurs de l'émission et des animateurs était bien trop bas pour leur parler de Sartre. Ces jeunes animateurs mal formés et mal encadrés n'ont voulu que mener l'illustre écrivain à s'énerver par les moyens les plus bas. Même si le directeur de la chaîne a présenté des excuses à Rachid Boudjedra par le biais de son compte Twitter, cela ne suffit pas du tout. Il aurait dû interdire la projection de l'émission à la télévision. Il a reconnu que les règles de l'éthique ont été dépassées et qu'il prendrait les mesures nécessaires contre les responsables. Rachid Boudjedra, qui avait quitté la salle dans tous ses états, n'avait même pas le droit de dire au réalisateur et aux animateurs qu'il leur interdit de passer l'enregistrement. L'écrivain, qu'on a traité d'athée et poussé à prouver en public qu'il est musulman, touché dans son amour-propre et sa dignité, a décidé de déposer plainte contre la chaîne Ennahar. L'écrivain bilingue, qui est l'un des meilleurs représentants de la littérature algérienne à l'étranger, a déposé plainte contre la chaîne Ennahar et a le soutien de tous les intellectuels qui ont décidé d'organiser un sit-in, aujourd'hui, devant le siège de l'Agence algérienne de régulation de l'audiovisuel (ARAV) que préside Zouaoui Benhamadi. Ces intellectuels ont, d'ailleurs, signé une pétition dont le nombre de signataires augmente de minute en minute. On y retrouve déjà des noms tels qu'Ahmed Cheniki, Mohamed Bouhamidi, Hmida Layachi, Saïd Boutadjine et Amin Zaoui. Dans leur déclaration, ces intellectuels ont dénoncé la violence imposée, notamment aux enfants et aux familles, dans des émissions dites de loisirs diffusées quotidiennement par certaines chaînes de télévision. Les signataires de la pétition ont tenu à dénoncer «le sujet de l'émission et la manière par laquelle fut agressé le grand écrivain qui a été touché dans sa vie privée, sa liberté de penser, et de l'avoir obligé d'annoncer sa croyance religieuse sous la menace». Il faut dire que les animateurs sont allés jusqu'à jouer les policiers pour l'accuser d'espionnage au profit de l'Europe. Selon la pétition, ces actes ne sont que le prolongement de ceux qu'imposaient les terroristes dans les années 1990. Les signataires en appellent aux différentes parties d'agir, notamment le ministère de la Culture, ceux de l'Intérieur et de la Justice afin que de tels actes ne se répètent plus. Par le biais des réseaux sociaux, de simples citoyens comme des personnalités connues, notamment dans le monde culturel, n'ont pas hésité à commenter cette émission scandale dont fut victime Rachid Boudjedra. Une pétition a même été initiée par des écrivains, intellectuels et anonymes pour condamner ce genre d'atteinte à la dignité des personnes. A quoi sert l'ARAV ? En tout cas, ce scandale n'est que le vase qui déborde puisque la chaîne Ennahar n'est pas la seule à passer de telles caméras cachées et des scènes de violence. On a souvent vu des scènes de violence. Les concepteurs n'ont plus d'idées et on est loin de la première caméra invisible réalisée par le défunt Hadj Rahim, qui n'avait pourtant comme moyen qu'une seule caméra et ses idées. La seule caméra cachée qui fut par la suite une réussite, ce fut celle du Taxi El Medjnoun, dont d'ailleurs, s'inspirent les concepteurs de la plupart des caméras cachées. Le motif est le manque d'idées et de culture. Boudjedra a déposé plainte mais, auparavant, l'ARAV devra montrer à quoi elle sert.