Signe des temps ou réalisme précocement assimilé, la chanson a déserté la bouche des écoliers qui ont, depuis le temps, renoncé à l'entonner au sortir du dernier jour de classe, le cartable négligemment lancé au ciel et le ton gaiement provocateur sur le passage de l'instit. Les vacances sont désormais un rêve chimérique pour la majorité. Pourtant, il n'y a pas plus élémentaire que d'aller «souffler» après une année de durs efforts, de routine implacable et de stress à mourir. Mais ce n'est pas parce qu'on en a besoin que ça se fera. Les vacances, il faut avoir de gros moyens ou rester à la maison, c'est la nouvelle donne qui ne laisse aucune chance aux solutions intermédiaires. Le farniente ou l'asphalte, voilà le mot d'ordre, une mortelle résignation qui veut que les choses sont ainsi parce qu'elles ne sauraient être autrement. Les vacances, un droit ? Ah ! Se suicider aussi. Il fait chaud pour tout le monde ? Pas vraiment. Les pauvres, les anciens et les nouveaux sont habitués aux nuits moites et essaimées de moustiques qui soulèvent le drap pour trouver des corps ruisselants. Pourquoi iront-ils, grands dieux, chercher une fraîcheur dont ils ignorent la douceur ? Il faut laisser la place aux habitués, comme dirait l'autre. L'autre, c'est dans une histoire qui ne fait plus rire mais qui se raconte toujours : un gros importateur dont le bateau était en difficulté en mer angoissait au port d'Alger. Irrité par un malheureux affamé qui n'arrêtait pas de supplier Dieu de soulager son supplice, il s'approche de lui, un petit billet dans la main et lui dit : va t'acheter un sandwich et laisse Dieu s'occuper de choses plus sérieuses ! Les vacances, c'est comme les containers menacés par la colère de la mer, c'est très sérieux. Ceux qui ont les moyens de s'en payer manquent souvent de goût et de culture, mais ils n'en ont pas besoin, c'est pas très utile pour chasser les pauvres, anciens et nouveaux, des plages fines. On n'a pas idée de débarquer au bord de la mer sans parasol ni chaise longue. Arriver en bus ou en R4 et étaler des sandwichs au cachir Bellat. C'est pas fait pour des vacances, ça. Et puis cette marmaille déguenillée… Les vacances, ça se mérite. Si on est riche, c'est qu'on a travaillé. C'est pas vrai, c'est même souvent le contraire, mais la nouvelle donne est ainsi, il faut s'y faire. Gai, gai, l'écolier, c'est demain les vacances… la chanson est désuète. Oubliée par les pauvres résignés et ignorée par les riches qui n'ont pas été à l'école. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir