Suite à la loi 08-15 portant mise en conformité des constructions en vue de leur achèvement, les quelque deux millions de bâtisses non finies que compte l'Algérie devront voir leur construction entièrement achevée. Cependant, nombre de ces propriétaires auront le plus grand mal à se conformer à ces directives, en raison des diverses entraves et autres perturbations que connaît actuellement le secteur des matériaux de construction. Le ciment, qui atteint des prix record et encore lorsqu'il est disponible sur le marché, le rond à béton introuvable, la rareté du sable et des autres intrants, les «crises» se suivent concernant quasiment tous les matériaux, et leur impact se fait sentir sur le degré de «motivation» des citoyens dont les constructions sont toujours sous forme de carcasses. «Les prix en cours sont tout simplement déraisonnables. Pour le ciment par exemple, à la sortie de l'usine un sac est vendu à près de 250 dinars. Mais chez le revendeur, le coût peut facilement doubler, voire tripler», déplore un quinquagénaire, qui, depuis trois ans que son R+1 a été bâti, trouve toutes les peines du monde à achever définitivement l'extérieur de la bâtisse et à poursuivre l'édification d'un étage supplémentaire. «La vie en Algérie étant de plus en plus coûteuse, il ne sera pas évident de concilier travaux, vacances, dépenses diverses tout en préparant la rentrée et le Ramadhan», se plaint-il. Et les craintes exprimées par ces «entrepreneurs amateurs», en dépit des nombreuses mesures gouvernementales annoncées, comme l'importation d'un million de tonnes de ciment, ne semblent pourtant pas pour autant apaisées. «Ce sont les spéculateurs et la maffia qui vont mettre la main dessus et dicter leurs lois de plus belle, car il n'y a absolument aucun contrôle et aucune régulation dans ce secteur», prédit un cadre supérieur, propriétaire lui aussi d'une construction inachevée. «Concernant le ciment, j'attendrai certainement que les prix baissent.» Le problème ne se pose cependant pas uniquement pour ce dernier. «Le sable par exemple est des plus difficiles à trouver sur le marché, et nous devons nous adresser à des revendeurs qui l'acheminent de très loin. Autant dire que les prix grimpent en flèche», s'insurge-t-il, ajoutant : «et là, je parle seulement des matériaux de base, sans entrer dans les détails des finitions.» Certains, comme ce retraité, vont même plus loin. Ainsi, il juge que les autorités concernées «jouent double jeu». «D'un côté on ne fait rien pour réfréner l'augmentation des prix et la spéculation, et d'un autre, on nous somme d'achever nos constructions, après des années durant lesquelles tout le monde a pu faire ce que bon lui semblait», lance-t-il, implacable. «J'estime que tant que cela n'est pas de notre faute, car les prix sont réellement inabordables, l'Etat n'a pas le droit de nous pénaliser et de prendre des mesures coercitives à notre encontre», de conclure l'ancien cadre.