Défiguration esthétique et paysage urbain agressé, tel est la réalité des quartiers nouvellement investis par les constructions individuelles. Dans la périphérie d'Alger, les anciens villages et les alentours de sa campagne ont vu l'émergence de demeures pimentées d'un style aux goûts incompréhensibles. Les constructions individuelles ne répondent à aucune norme d'esthétique. Des quartiers entiers sont érigés à la va-vite. L'inachèvement des constructions porte atteinte au paysage, ajouté à l'inapplication des normes urbanistiques. Notre virée dans certains quartiers de la périphérie algéroise est édifiante. Des personnes entament leur construction sans se soucier des règles proscrites juridiquement. Des constructions datant parfois de plus de 15 ans n'ont pas été inachevées suite à diverses raisons liées à des conjonctures économiques personnelles ou nationales. Des individus ont d'ailleurs, c'est un secret de Polichinelle, commencé leur construction sans permis ou certificat de conformité. Si l'on avance un chiffre de plus de deux millions de constructions inachevées en Algérie, il n'en demeure pas moins que cette tendance n'est que le reflet des problèmes que connaît le secteur des matériaux de construction, dont le ciment, le sable et le rond à béton. L'année dernière, la loi 08-15 du 20 juillet portant mise en conformité des constructions en vue de leur achèvement est venue renforcer le dispositif législatif dans l'optique de mettre fin au phénomène de l'arrêt des constructions. Mais presque un an après, le constat est toujours le même. Toutefois, il est utile de préciser qu'un délai de cinq ans a été accordé aux propriétaires concernés pour finir les travaux. Le ciment, un or gris Des piliers montés sans être entourés de mur, des briques non retapées de ciment, absence de peinture sur des maisons presque inachevées. C'est le panorama de béton qui se présente devant l'algérien lambda lorsqu'il traverse les dizaines de nouveaux quartiers à la sortie d'Alger, voire à sa proximité. En pénétrant dans les quartiers d'El Achour et de Draria, on ne peut que remarquer la multitude de ces chantiers. L'inachèvement des constructions ne s'arrête pas aux maisons, il s'étend également au-delà de la superficie des demeures, où les trottoirs sont défoncés ou affaissés. Le plus étonnant par exemple, en empruntant la route vers Baba Hassen, on constate des constructions bâties sur des collines. L'hypothèse d'un glissement de terrain est fort probable, puisque ce sont d'anciennes plaines qui servaient de pâturages et où les rochers sont inexistants. Outre l'inachèvement des constructions, les maisons sont caractérisées par des styles qui ne correspondent à aucun goût. On ne peut comprendre, pour la majorité d'entre elles en tout cas, si elles sont de style mauresque ou occidental. Les campagnes algéroises sont hélas envahies par le béton A titre d'exemple, la commune de Kheraïcia souffre du manque d'esthétique. Même si le mètre carré dans cet ancien village est cédé à un prix faramineux, force est de constater que le problème ne risque pas d'être résolu dans les années à venir, puisque les propriétaires, du moins les personnes que nous avons approchées, estiment que «vu la perturbation du marché du ciment et sa cherté, il est difficile de terminer les constructions dans les temps». En effet, le sac de ciment est cédé jusqu'à 500, voire 600 DA au marché informel, alors qu'à la sortie d'une usine de production étatique il avoisine les 200 DA. Par contre, d'autres autoconstructeurs habitant Douéra affirment pour leur part «avoir épuisé leurs économies». Ils pensent que «le dernier texte relatif à l'achèvement des constructions ne peut être applicable, sauf si les prix des matériaux de construction sont revus à la baisse». A Oued Smar, c'est la catastrophe. Un simple étranger ne pourrait que déclarer, en voyant l'état anarchique des constructions, que «l'Algérie est un pays du tiers-monde». Les garages servant de dépôt ou de magasin de gros sont monnaie courante à El Hamiz et à Kouba, plus précisément à Jolie Vue. Malgré la richesse des propriétaires, les maisons sont de couleur grise (ciment) et les travaux ne sont pas accomplis. En réalité, toutes les communes ont leur lot de constructions inachevées. Cette vérité peut se vérifier sur l'ensemble du territoire national.