Les raisons de mourir se multiplient cet été, mais c'est la noyade qui tient le haut du pavé. En mer, c'est connu, ne se noient que ceux qui savent nager plus que les autres. Insouciants, surtout inconscients, de jeunes téméraires, sûrs de la longueur de leur souffle, de la robustesse de leurs bras et de la performance de l'ampleur de leurs brassées, s'en vont faire reculer chaque fois les limites du corps et défier les caprices du large. Dans la tête bouillonnante, la certitude que «ça n'arrive qu'aux autres» et sur les visages cramés le bonheur des sensations inaccessibles aux froussards. Ils s'éloignent alors, le rire tonitruant et l'effort imperceptible, s'amuser jusqu'à l'extase et parfois jusqu'à ce que mort s'ensuive. La mort, la vraie, celle dont on ne revient pas. Une mort encore plus douloureuse parce que bête dans son inconcevable nonchalance. Une mort toujours évitable a posteriori. Qu'on ait été trop loin dans la folie, que les secours n'aient pas été là ou pas assez efficaces, que les vagues se soient subitement déchaînées ou que les muscles aient été raidis par une crampe inattendue, mourir «à cet âge-là» parce qu'on ne veut pas se baigner comme tout le monde est tragique. Il n'y a pas eu de morts mais il aurait pu y en avoir sur les plages de Aïn Témouchent où un mal mystérieux a touché la majorité de ceux qui s'y baignaient. Loin du sable ou tout près, braves pantouflards frileux ou nageurs de première, tout le monde ou presque a été pris de panique après avoir ressenti d'abominables maux de tête, une fièvre subite, des difficultés respiratoires et la vue brouillée. La mer n'est jamais à court de mauvaises et souvent dramatiques surprises. Mais elle est toujours si belle et si passionnante ! Qu'on s'y enfonce imprudemment ou qu'on y attende tranquillement sur un monticule un enivrant coucher de soleil. Loin de la grande bleue, on se noie aussi. Et on en meurt. Sur la généreuse plaine du Cheliff, des enfants ont péri dans une retenue d'eau destinée à fertiliser la terre nourricière. La mer n'est pas évidente pour tout le monde, les piscines une chimère, mais on se noie comme on peut. Comme sur l'oued Sébaou où des extractions criminelles de sable ont envoyé un adolescent au paradis et les siens dans une colère d'enfer. De ces colères incompressibles exprimées aussi à El Achir contre l'entreprise chinoise de l'autoroute est-ouest qui a creusé la tombe d'un autre ado englouti par un bassin trop exigu et trop profond. Oui, à El Achir, il n'y a ni plage ni piscine, mais il y a l'autoroute. En attendant d'y rouler et éventuellement de mourir sur l'asphalte, il y a des retenues d'eau providentielles. C'est l'été. On ne fait pas que mourir quand même. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir