Si l'information tombée aujourd'hui sur le fil APS n'avait pas été précédée tout au long de la campagne des moissons-battages de fréquents problèmes de logistique dans les régions céréalières, on aurait été presque réjoui d'apprendre que les «chouala», comme on les appelle dans l'ouest du pays, sont de retour. On ne sait pas exactement ce que désigne ce vocable à la musicalité sympathique au demeurant, mais on sait qu'il s'agit de faucheurs. Qu'il s'agisse d'agriculteurs et de leurs familles, de volontaires réunis dans une pratique ancestrale où se mêlent joie et utilité, ou simplement de laborieux saisonniers venus gagner leur croûte, ce n'est pourtant pas vraiment rassurant d'entendre parler de ce voyage dans le temps. ça doit être sûrement beau et motivant de travailler dans la bonne humeur, l'ambiance des retrouvailles, partager un repas champêtre et même chanter en accompagnant le mouvement de la faucille coupant des épis pleins et dorés. Mais en 2009, il y a sûrement plus rassurant quand il s'agit de choses aussi essentielles dans la vie. L'orge, et surtout le blé, c'est très sérieux, et ce qui l'est beaucoup moins, c'est d'entendre parler de problèmes de moissonneuses-batteuses sous prétexte qu'on n'est pas préparé à ces rendements exceptionnels qui, dans la foulée, auraient nécessité d'autres moyens de récupération des récoltes d'un autre âge. Du coup, c'est le système agricole qui révèle une autre facette de son inefficience : on savait qu'il éprouvait d'énormes difficultés à faire face à la disette, on découvre en plus qu'il ne peut pas gérer la prospérité. Bien sûr, on sait que sur quelques parcelles accidentées de Mascara ou d'ailleurs, il y a quelques difficultés naturelles à y déployer les moyens techniques les plus performants, d'où le recours aux procédés traditionnels, mais de là à ce que des récoltes d'importance stratégique soient compromises parce qu'on n'a pas été foutu de prévoir dix machines au lieu de huit, cela sonne comme une malédiction. De celles qui gardent au chaud de vieilles et désuètes certitudes qui font qu'on soit incapable de manger, et pourquoi pas, de chanter autour d'une moissonneuse-batteuse après l'avoir fait à l'ombre d'un frêne, les faucilles accrochées à la ceinture et les yeux rivés sur une récolte dérisoire. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir