Quand elle a lancé son entreprise, Bethlehem Tilahun Alemu, voulait juste améliorer les conditions de vie dans son village. Mais aujourd'hui elle fait vivre 40 employés, plus de 75 fournisseurs et vend ses chaussures «vertes» dans le monde entier. «Les pneus usés sont utilisés depuis longtemps ici pour faire des sandales traditionnelles, j'ai décidé de prendre cette idée et de la développer avec des tissus traditionnels éthiopiens en coton organique ou en cuir local», explique la jeune femme de 30 ans qui dirige la société SoleRebels, créée il y a cinq ans. «Quand j'étais jeune, il y avait la guerre et les rebelles, qui portaient ce genre de sandales à la semelle en pneus usés, donnaient de l'espoir aux gens, c'est pourquoi nous avons choisi ce nom», confie cette mère de deux enfants qui se vante de produire des chaussures «sans émission de carbone». Installée dans une petite villa du village de Zenabework, dans la banlieue d'Addis Abeba, SoleRebels ressemble à une ruche où retentissent les coups de marteau des cordonniers, hommes et femmes mélangés, dans une ambiance détendue, saturée d'odeur de colle. Les baskets, sandales et autres tongs aux couleurs vives s'amoncellent sur les établis, avant d'être emballées dans des sacs plastiques et des cartons pour être expédiées aux Etats Unis, aux Pays-Bas, en Pologne ou en Grande-Bretagne. Bethlehem assure qu'elle peut produire jusqu'à 500 paires de sandales par jour ou 200 paires de chaussures facturées entre 15 et 30 dollars, uniquement pour l'exportation. «Dans mon village j'avais remarqué qu'il y avait beaucoup de gens talentueux, mais pas d'opportunité de travail. J'ai grandi dans ce village, je sais combien ils souffrent et je voulais aider les gens», explique-t-elle ajoutant que «quand on dit qu'on veut changer la vie des gens on doit leur donner un bon salaire». A la production de chaussures écologiques entièrement faites à la main, SoleRebels ajoute la dimension commerce équitable et appartient à un réseau, la Fair trade organisation, qui a participé au développement de la compagnie. «Je gagne 3000 birr par mois (240 USD, presque quatre fois le salaire moyen en Ethiopie). La compagnie nous assure une couverture médicale pour nous et notre famille, paie les frais de scolarité des enfants et parfois donne des bonus», déclare Gesachew Sherefa, 27 ans, superviseur. «Si je pouvais toujours travailler ici ce serait bien parce qu'il y a la stabilité et la sécurité», confie l'ancien tâcheron. Pour Webayu Legasse, mère célibataire de 30 ans, «les conditions sont bien meilleures ici» que dans l'association où elle travaillait avant : «Je gagnais 350 birr par mois, je ne pouvais pas survivre et en plus de mon travail je devais aller de maison en maison pour laver et repasser le linge». SoleRebels encourage aussi ses employés à monter leur propre société : «C'est aussi notre but et ceux qui l'ont fait gagnent bien plus maintenant», indique Mme Bethlehem. Enfin, SoleRebels utilise internet pour sa promotion et ses ventes. «Grâce à notre site (http://solerebelsfootwear.weebly.com), nous avons beaucoup de retours des clients et nous gérons nos commandes, c'est rapide et fiable», assure la jeune femme. Avec ses différents modèles aux noms évocateurs : Urban runner, Purelove, Freedom edition ou Gruuverebel, Bethlehem compte bien poursuivre son développement et espère gagner «500 000 USD l'année prochaine et devenir les Timberland, Adidas ou Nike de l'Afrique».