La réaction de plusieurs ouvriers algériens venus se plaindre, mercredi dernier, au ministre Amar Ghoul en visite à Boumerdès pour inspecter les travaux de l'autoroute, a levé le voile sur l'injustice et le calvaire dont sont victimes la plupart des travailleurs algériens engagés par des entreprises chinoises. Le ministre des Travaux publics a pris connaissance ce jour-là des souffrances qu'endurent ces ouvriers employés par le groupe Chinois Citic-CRCC. “Nous travaillons sans contrat, sans assurance et avec un salaire qui égale juste le SNMG”, ont affirmé ces travailleurs au ministre qui, visiblement, ne s'attendait pas à cette visite. “Et vous, pourquoi vous acceptez de travailler sans contrat de travail”, a interrogé le ministre. La réponse ne s'est pas fait attendre: “Où voulez-vous qu'on aille ? C'est le seul boulot que nous avons trouvé”, répond un père de famille. Pourtant, l'exploitation des ouvriers algériens par des entreprises chinoises ne date pas d'hier. Les inspections du travail, notamment celles de Boumerdès, de Bouira et d'autres wilayas relèvent chaque mois de nombreuses infractions au code du travail. De l'inexistence de contrat aux licenciements abusifs, en passant par l'absence d'assurance, tout y est. Mais les sanctions prévues par les textes ne sont pas dissuasives. Les entreprises en infraction sont invitées à payer des amendes insignifiantes, pas plus. Une situation qui les encourage à récidiver, profitant généralement de l'absence de syndicat à même de demander des comptes. On estime à un millier d'ouvriers le nombre d'Algériens travaillant pour l'entreprise CRCC-Citic depuis le lancement des travaux de l'autoroute Est-Ouest. Une bonne partie de ces ouvriers travaille au noir, au vu et au su de tout le monde. De nombreux travailleurs que nous avons rencontrés imputent leur situation aux autorités algériennes, précisant que celles-ci, dans la plupart des cas, laissent faire pour ne pas gêner les Chinois. “Les responsables sont surtout attachés aux dates de livraison des projets et non à nos conditions de travail”, a indiqué un ouvrier du chantier de Bouzegza, ajoutant que de nombreux collègues travaillent sans casque de protection et sans chaussures de sécurité. Un autre travailleur témoigne que les responsables chinois n'hésitent pas à étouffer dans l'œuf toute forme de contestation en procédant à des licenciements sans aucune forme réglementaire. Il y a quelques jours, plus de six cents travailleurs ont écrit une lettre au président de la République pour solliciter son intervention. À Bouira, des travailleurs employés par l'entreprise chinoise, chargée de la réalisation de l'autoroute, sont allés jusqu'à brûler des pneus au niveau du chantier pour attirer l'attention des responsables sur leur misère. Mais pour le moment, ils continuent à vivre le calvaire et ce n'est pas les PV d'infraction des rares inspecteurs qui visitent ces chantiers qui vont mettre fin à cette situation. “Nos ancêtres ont construit les chemins de fer en esclaves et nous nous allons construire l'autoroute presque dans les mêmes conditions”, nous dira un jeune ouvrier du chantier de Bouzegza.