Les Archs commémorent le 1er novembre à Ighil Imoula En rangs dispersés Les coordinations ont donné en spectacle un mouvement traversé de profondes divisions. Le fossé se creuse entre les partisans d'un dialogue sous condition et ceux qui refusent de “tendre la perche à Bouteflika”. L'enfant n'a rien compris au manège. Il suit de loin cette “bataille” verbale entre deux délégués des archs, tous les deux appartenant à la CADC, Coordination des archs, daïras et communes de Tizi Ouzou. Ces deux délégués qui se livrent un combat de coqs schématisent un peu la photographie des archs de Tizi Ouzou, plus que jamais divisés sur l'option du dialogue. Il est 10h passées. L'historique village d'Ighil Imoula accueille les délégations du mouvement citoyen. Les représentants de la coordination d'Alger arrivent les premiers, suivis des délégués de la CCCWB, Coordination des comités citoyens de la wilaya de Bouira. Juste après, deux délégations de la CADC de Tizi Ouzou arrivent : la première, composée des conclavistes de Mechtras, dépose une gerbe de fleurs devant la stèle des chouhada de Tizi n'Tlata ; arrive par la suite une autre délégation de la CADC, conduite par Belaïd Abrika. Une gerbe de fleurs y sera également déposée. Cette division a mis dans la gêne plus d'un à Ighil Imoula. Au village, la situation ne tardera pas à dégénérer. Premier problème à surgir : qui des deux délégations prendra la parole comme cela se fait habituellement ? Le comité de village d'Ighil Imoula invite les délégués de Tizi Ouzou, Bouira et Alger à rédiger une déclaration à l'occasion de l'anniversaire du 1er Novembre 1954. On se précipite dans une salle du musée du village. Abrika se propose pour présider la réunion de travail. Refus catégorique des délégués de Mechtras, appuyés par les coordinations ayant participé au conclave parallèle de Mechtras jeudi passé. Amar Mohamedi, ancien officier de l'ALN, tente de trouver un terrain d'entente. Pour ce faire, il fait appel à l'Histoire pour dire que son village Ighil Imoula a de tout temps été un repère de réconciliation entre les Algériens. “Après la chute de l'Emir Abdelkader, les tribus de Kabylie se sont rencontrées à Ighil Imoula pour faire allégeance à Abdelmalek Lemdjad pour mener l'insurrection armée contre le colonialisme. Il y a installé son PC. Le coup d'envoi de la Guerre de Libération a été également donné ici”, dira l'orateur, en exhortant dans son appel désespéré les archs à se mettre d'accord. Mais peine perdue. L'appel de l'ancien maquisard, qui a donné sa caution historique au mouvement citoyen, ne sera pas entendu par les délégués. Devant l'impossible réconciliation entre les deux ailes de la CADC, le comité de village propose à l'assistance de mener les débats. Abrika refuse, prétextant le règlement intérieur du mouvement citoyen et son fonctionnement horizontal. Un délégué de la coordination de Aïn Zaouïa prend la parole pour dire que le conclave de Fréha est illégitime. Ce à quoi rétorque Rachid Allouache, délégué d'Aït Jennad : “La CADC, c'est nous !” Les menaces commencent à fuser dans la salle. L'on conteste mutuellement la légitimité des deux conclaves tenus le week-end dernier, simultanément à Fréha et à Mechtras. “Vous allez payer cela”, menace-t-on les délégués de Mechtras pour avoir organisé le conclave parallèle. À ce moment-là, le comité de village a pris la résolution de ne pas programmer de prise de parole. “C'est désolant et regrettable que l'on ne soit pas arrivé à s'entendre”, se désole le président du comité de village d'Ighil Imoula. Même la proposition du délégué des Genêts de rédiger une déclaration par la seule triangulaire, c'est-à-dire les trois coordinations locales membres de la présidence tournante de la CADC, sera confrontée au rejet des citoyens fort nombreux à la réunion. “Nous sommes tous concernés”, a-t-on répliqué à Abrika. À vrai dire, la ligne de démarcation reste bien entendu le dialogue. Pour les conclavistes de Mechtras auxquels se sont jointes les coordinations locales de Tigzirt, Makouda et Boudjima — ces trois coordinations ont quitté le conclave de Fréha avec fracas —, le dialogue ne peut constituer qu'une perche tendue au président Bouteflika. “Pourquoi dialoguer à 4 mois de la présidentielle, puisque le futur Président pourrait ne pas entériner les éventuels engagements de M. Bouteflika ?”, s'interrogent les opposants au dialogue. Et à Abrika et consorts de préciser : “Le document de mise en œuvre n'entrera en ligne de compte que s'il y a satisfaction des préalables.” Les délégués de la CADC s'éternisent ainsi dans des problèmes de légitimité, en se donnant en spectacle devant un public médusé et désolé. Le comité d'Ighil Imoula, de guerre lasse, entame les activités commémoratives par la lecture d'une déclaration dans laquelle le village “s'incline à la mémoire de tous les martyrs de la Guerre de Libération nationale, des victimes de la répression arbitraire et du terrorisme”. Vers 14 heures, les invités du village, dont les délégués des archs, commencent à quitter les lieux. Les “frères ennemis” de la CADC continuent leur guéguerre sur le dialogue avec le pouvoir ; un dialogue qu'ils se refusent d'instaurer en leur sein. “Ces délégués refusent le dialogue à l'intérieur des structures du mouvement citoyen, mais veulent l'imposer pour la Kabylie avec comme interlocuteur le pouvoir mafieux et assassin”. L'adolescent de tout à l'heure a fini par tirer sa conclusion et s'en est allé par champs rejoindre son village. La lutte armée, c'était il y a 49 ans. À Ighil Imoula, “tamurt” de Ali Zamoum, hier, grand absent au village. Peut-être est-ce à cause de la division des archs ? YANIS HOCINI Saïdi Mohamed, porte-parole de la coordination de Mechtras À liberté “Pour un conclave de réconciliation” Liberté : Malgré l'appel des autres membres de la présidence tournante de la CADC à la tenue d'un conclave ordinaire, vous aviez maintenu le conclave extraordinaire de Mechtras. Pouvons-nous en connaître les raisons ? Saïdi Mohamed : Justement, ça relève du problème du dysfonctionnement qui devait faire l'ordre du jour du conclave extraordinaire auquel nous avions appelé. La CADC traverse, depuis quelque temps, un dangereux dysfonctionnement, tel que l'organisation des journées portes ouvertes sur le mouvement citoyen à Tizi Ouzou auxquelles nous n'étions aucunement associés en tant que membres de la présidence en exercice.Puis, je tiens à signaler que la tenue de ce conclave était plus urgente puisque nous n'avions que deux jours pour arrêter et préparer l'action du 1er Novembre. Au lendemain de la tenue de ces deux conclaves, la CADC se retrouve divisée en deux. La coordination de Mechtras en est-elle responsable ? Nullement, nous avions agi conformément aux principes directeurs du mouvement citoyen. La présidence en exercice peut de plein droit convoquer un conclave extraordinaire, chose que nous avions faite une semaine avant et 16 coordinations ont répondu favorablement à cet appel. Le conclave de Imzizou se poursuivra ce lundi. Comptez-vous y être présents ? Sincèrement, aucune décision n'est arrêtée dans ce sens, pour le moment. Le conclave de Mechtras est resté ouvert. Dès qu'il prendra fin, nous appellerons à la tenue d'un conclave de réconciliation et nous espérons que la sérénité reviendra à la CADC et les rangs seront ressoudés. Samir Leslous Rachid Allouache, délégué du arch d'Ath jennad, prône l'unité “Tout doit se régler au sein de la CADC !” Ainsi donc, les graves fissures apparues au sein de la CADC, durant le week-end avec l'organisation de deux conclaves parallèles à Imzizou (Fréha) et à Mechtras (Boghni), ont été malheureusement confirmées, hier, encore à Ighil Imoula, où les festivités commémorant le 49e anniversaire du 1er Novembre 54 ont été marquées par la présence de deux délégations frontalement opposées du mouvement des archs. Malgré tous les efforts de médiation de l'Association des citoyens d'Ighil Imoula, soucieuse de saisir une telle aubaine pour tenter une réconciliation et annoncer même une déclaration commune, la position radicale des uns et des autres s'accentua. Pis, des éclats de voix et des écarts de langage sont étalés au grand jour et sur la place publique, au grand dam de la nombreuse foule. “C'est une manœuvre de plus contre le mouvement”, devait dire, hier, après la manifestation, Rachid Allouache, délégué d'Ath Jennad et proche compagnon de Belaïd Abrika. “Ce n'est pas la première fois que le mouvement citoyen fait face à de telles manipulations orchestrées par le pouvoir et ses relais locaux, mais nous sommes habitués à ce genre d'attaque”, dira encore Rachid Allouache. Interrogé sur l'éventuelle scission du mouvement des archs, le délégué d'Ath Jennad pense que “le mouvement est toujours aussi fort”. “Nous n'avons peur de personne, car le mouvement des archs n'a guère dévié jusque-là de son droit chemin. À imzizou, il y avait bien 42 associations qui ont débattu librement du document de réflexion pour la mise en œuvre de la plate-forme de revendications d'El-Kseur et nous allons nous retrouver, ce lundi encore, dans la même localité pour continuer notre conclave. J'estime que tous les problèmes et les conflits qui peuvent surgir au sein de la CADC doivent être réglés entre nous, tout en respectant les principes directeurs du mouvement”, dira encore Rachid Allouache, qui semblait choqué par les prises de bec ayant éclaté à Ighil Imoula entre délégués des archs. “Nous avons trop de respect pour cette localité historique et respectable et c'est pourquoi nous n'avons pas voulu céder à la provocation”, conclut Rachid Allouache. M. Hocine